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La place exclusive qu’occupe le théâtre dans le développement
des cultures des régions nationales de Russie incite les
chercheurs à se pencher de plus en plus souvent sur ce
phénomène pour comprendre de manière plus exhaustive telle ou
telle étape dans l’histoire de ces peuples. Et ce d’autant
qu’indépendamment de la période, l’art théâtral reste l’une
des formes les plus souples pour rendre compte de la réalité
et des besoins d’une époque. C’est bien là la raison pour
laquelle je voudrais me tourner en détail sur des dimensions
peu étudiées de son émergence et de son fonctionnement :
l’interaction entre le public et le théâtre, la vie sociale et
le théâtre, l’État et le théâtre, le pouvoir et le théâtre.
Tout ceci permet de reconstruire la manière dont le théâtre
national de Mordovie a absorbé et représenté des éléments de
sa culture propre et des cultures empruntées, et dont son
action s’est reflétée dans la vie de la société.
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La
place unique qu’occupe le théâtre dans le développement des
cultures nationales de Russie amène les chercheurs à se
tourner plus souvent qu’à l’ordinaire vers ce phénomène pour
mieux comprendre telle ou telle étape de l’évolution des
peuples. Et ce d’autant plus qu’indépendamment de l’époque,
l’art théâtral était et demeure l’une des formes les plus
souples pour refléter la réalité et les besoins de son temps.
C’est pour cette raison que je voudrais examiner en détail des
aspects peu étudiés de ses débuts et de son fonctionnement en
tant que corrélation du public et du théâtre, de la vie
sociale et du pouvoir, de l’État et du théâtre, du pouvoir et
du théâtre, ce qui permettra de reconstruire la manière dont
le théâtre national, en Mordovie, a absorbé et représenté des
éléments de sa culture propre et de cultures empruntées, de
suivre comment son action s’est reflétée dans la vie de la
société.
Pour des raisons historiques, le développement de l’art
théâtral mordve a été surtout influencé par la culture russe.
Et ce non seulement dans les principes, par exemple en matière
de politique du répertoire, mais aussi, dans son ensemble,
pour ce qui est des relations entre l’État et cette forme
d’art, la participation de ce dernier à chaque étape de son
développement.
Beaucoup
de chercheurs du Théâtre national en Mordovie évaluent le
début de son existence aux années 1930. Ceci répond à la
logique de la périodisation du théâtre professionnel. Mais
dans la plupart des cas, le XIXe siècle, de même
que le début du XXe et la période
postrévolutionnaire, restent en dehors du champ de vision des
chercheurs. Or cette époque est celle de la formation du
théâtre dit populaire, la base qui a permis l’apparition d’un
théâtre professionnel. Pour remplir cette lacune, je vais
tenter de me tourner vers certains faits qui, à mon avis, ont
influé sur les processus créatifs et d’organisation.
Je
voudrais commencer ce tour d’horizon en 1868 : cette
année-là, le gouverneur de Penza reçut une circulaire qui lui
demandait d’établir des rapports sur les théâtres des villes,
les bâtiments où ils sont hébergés, l’origine et la durée de
leur financement, la composition des troupes, les
appréciations sur les mérites artistiques de la troupe et sur
la réalisation scénique de ses pièces. Cet intérêt de la part
de l’État n’était nullement fortuit, il s’inscrivait dans
l’histoire du monopole des théâtres impériaux, qui avait
commencé en 1803. De ce fait, on peut considérer que les
mesures prises dans la deuxième moitié du XIXe
siècle pour renforcer la censure sur le théâtre, qui ont pesé
très directement sur la politique du répertoire, peuvent être
vues comme un renforcement du rôle du théâtre dans la vie
culturelle, sociale et intellectuelle du pays. Le monopole n’a
été levé qu’en 1882, ce qui a été vu comme l’élimination du
statut féodal du théâtre. Dans les capitales et dans les
grandes villes des gouvernorats, les cercles d’amateurs
commencèrent alors à se rassembler, on vit apparaître des
entrepreneurs privés (dont le travail ne fut pas toujours
couronné de succès) ; on assista à la multiplication des
spectacles payants, non seulement dans des buts caritatifs,
mais aussi pour le plaisir esthétique.
Ainsi,
en 1868, le gouverneur répondit par une disposition, valable
dans les uezdy, qui
obligeait le pouvoir local à rendre compte des spectacles
montés dans les villes et dans les villages. De manière
générale, il faut dire en partant des documents d’archives de
la chancellerie du gouvernorat de Penza, qui couvrait une
partie importante de la Mordovie d’aujourd’hui, que le
mécanisme de régulation et de suivi de l’activité des groupes
théâtraux fonctionnait bien : il arrivait souvent que des
fonctionnaires de la gendarmerie, des responsables des polices
locales fussent envoyés faire des
« inspections » ; ils mettaient au point des
rapports et les envoyaient au gouverneur de Penza. A partir de
1868, ces rapports devinrent annuels, parfois détaillés mois
par mois.
Beaucoup
de responsables du pouvoir, voyant dans le théâtre populaire
un suppôt de la libre pensée et de la méfiance envers le
gouvernement, ont commencé à redouter cette forme d’art. C’est
pourquoi au début des années 1890 une censure particulière fut
mise en place, qui venait s’ajouter à la censure générale pour
les théâtres professionnels. Tout d’abord, ce qui s’est
traduit sur le répertoire, les gouverneurs recevaient
périodiquement des circulaires énumérant les œuvres qu’il
était permis de monter dans les théâtres populaires. La
première liste alphabétique complète de ces œuvres fut
approuvée le 1er janvier 1888, une liste
complémentaire le 1er avril 1891, une deuxième le 1er
janvier 1894, une troisième le 1er janvier 1897,
une quatrième le 1er janvier 1900.
Pourtant,
malgré toutes les limitations et les interdictions
gouvernementales, l’aspiration du peuple au théâtre ne cessait
de grandir et les groupes amateurs se multipliaient[1], du
fait des facteurs suivants : la scène permettait la
rencontre de représentants de groupes sociaux divers ; le
public se diversifiait (si avant il était composé surtout des
classes privilégiées, désormais parmi les spectateurs du
théâtre populaire on trouvait de plus en plus d’artisans,
d’ouvriers des chemins de fer etc.) ; la reconnaissance
populaire de cet art s’est reflétée aussi sur les lecteurs,
dans la mesure où la presse périodique réagissait activement
aux intérêts de la société. Ainsi, dans les années
1890, on vit apparaître pratiquement dans chaque journal une
rubrique théâtrale, qui informait les lecteurs sur l’état de
la pratique théâtrale dans la région, ce qui incontestablement
a influé aussi bien sur le développement de la critique
théâtrale dans la presse que sur l’élévation de l’intérêt
conscient de la part du public, surtout dans les couches peu
fortunées de la société.
De manière
générale, cette période est caractérisée par d’autres
traits : des tendances plus anciennes demeurent, comme la
prédominance du répertoire en russe, due à la censure, mais en
même temps, à côté des vaudevilles, on trouve de plus en plus
souvent à l’affiche des pièces d’A.N. Ostrovskij, N. V. Gogol,
А. P.
Tchekhov ; les centres culturels se déplacent dans les
uezd, dans leurs villes (Saransk, Insar, Krasnoslobodsk etc.),
où l’on monte régulièrement des spectacles, et où la
population mordve est en majorité. Les contacts fréquents des
spectateurs avec les acteurs professionnels en tournée et une
approche plus responsable des entrepreneurs vis-à-vis de leur
travail permet une élévation du niveau artistique du public,
et élève la barre de leurs expectatives. Dans les régions où
l’habitat mordve est compact les cercles d’acteurs amateurs,
qui réalisent les premières tentatives de mises en scène dans
leur langue, se multiplient.
Dans
l’histoire de l’émergence d’un théâtre national professionnel
on peut identifier une étape importante : en 1894
V.S.Serova fonda, au village de Sudosev, une chorale d’enfants
et une troupe d’opéra constituée de paysans amateurs de
musique et de chant choral. Les paysans présentèrent des
scènes des opéras Une
vie pour le tsar de М.I.
Glinka, Le Prince Igor
d’А.P.
Borodin, Rogneda d’А.N.
Serov, Mazeppa et L’opritchnik de
P.I. Tchaïkovski, La
Khovanshchina de М.P.
Musorgski, Sadko de
N.А.
Rimskij-Korsakov, Ermak,
Ilja Muromets, Aube sur la Russie
et Uriel Acosta de
Valentina Serova[2].
Au début du ХХe
siècle, on constate une élévation de la compétence des
artistes amateurs, la poursuite d’une activité intense des
groupes de théâtre avec une augmentation du nombre des
participants. C’étaient là les conditions préalables pour que
les éléments les plus actifs du théâtre national se
rassemblent en une société afin d’améliorer par leurs efforts
conjoints la qualité des spectacles et d’augmenter le nombre
des spectateurs, de défendre les artistes face à l’arbitraire
policier et
d’élever de manière générale l’autorité du théâtre populaire
amateur, ce dont témoignent les documents des archives de
l’Oblast’ de Penza[3].
Ainsi, en 1904, on vit apparaître dans la ville de Saransk la
Société des amateurs des arts élégants. Dans la liste des
fondateurs, on trouve О.F.
Bronikovskaja, Nikolaj Alekseevich Syromjatnikov, membre de la
municipalité, Nikolaj Ilich Kubancev, citoyen d’honneur
héréditaire, Elena Lvovna et Nadezhda L’vovna Tokareva etc.
Ceci
a donné l’exemple aux membres des cercles, qui commencèrent à
se rassembler et à former des troupes permanentes, à
constituer un répertoire qui leur soit propre, fait surtout de
traductions du russe
On
peut identifier une nouvelle vague de développement du
mouvement national après la révolution de 1917. Dans cette
période, on voir apparaître au sein du peuple mordve, qui
essaye de se présenter comme participant à part entière de la
construction du nouvel Etat, les premiers écrivains et
journalistes, qui écrivent dans leur langue des œuvres
relevant des gendres courts.
À en
juger d’après les documents des archives centrales de la
république de Mordovie, les principales difficultés de
l’époque tiennent à la précarité, aux mauvaises conditions
matérielles, à l’absence de financement centralisé de la part
de l’Etat, ce qui fait que la plupart des réunions des
artistes portaient sur le rationnement, la quête de moyens
pour acheter des instruments de musique, des costumes et bien
sûr, sur le problème permanent que constitue la recherche
d’une scène permanente pour pouvoir travailler.
Incontestablement, les désordres du quotidien à l’époque
furent un frein à ce mouvement ; mais ils n’empêchèrent
pas les premiers pas d’une évolution des groupes vers le
professionnalisme. Ainsi, grâce aux documents d’archives, nous
avons pu découvrir que lors de l’une des réunions des
travailleurs de RABIS (l’association des travailleurs de
l’art), il fut question de constituer un conseil artistique
unifié pour apprécier les spectacles mis en scène, où étaient
censés être représentés tous les profils des groupes de
théâtre de la ville de Saransk.
La
période de l’établissement de l’autonomie mordve est, il faut
le dire, l’une des plus lumineuses, des plus complexes et des
plus chargées dans l’histoire de l’émergence du théâtre
national contemporain. C’est en effet à cette époque
qu’apparaissent les premiers écrivains dits paysans, dont
l’art venait du peuple et était tourné vers le peuple. Un
nombre suffisant d’œuvres de cette période, écrites en moksha
et en erza, a été préservé : malgré la faiblesse de leur
niveau artistique, elles témoignent d’un véritable tournant
dans l’art théâtral, avec l’apparition d’embryons de
dramaturgie nationale mordve.
Les années 1920-1930 du XXe siècle furent pour le
peuple mordve une époque non seulement de mutations politiques
et économiques, mais aussi d’un mouvement théâtral populaire
de masse, qui commence dans les années 1920. Celui-ci a eu une
signification énorme pour la formation de la culture
spirituelle des Mordves, pour leur identité. C’est
l’intelligentzia rurale et les étudiants qui jouent dans ce
mouvement le rôle principal. A la campagne, les jeunes
enseignants attiraient dans les groupes et dans les cercles de
théâtre des jeunes et des personnes âgées, les alphabétisant
et les initiant à la littérature.
Il
faut noter que ce type de travail militant fut mené dans les
villages et dans les villes de nombreux gouvernorats : de
Samara, Saratov, Penza, là où vivaient les Mordves. A titre
d’exemple, à Saratov firent organisés des groupes mordves
professionnels de musique, de chant choral et de théâtre. Mais
malgré l’effet positif indiscutable de ce militantisme (les
groupes théâtraux amateurs eurent une énorme influence sur
l’éducation de la population analphabète), la situation ne
pouvait pas être considérée comme satisfaisante. Les arts
visuels, notamment la mise en scène théâtrale, étaient portés
dans les masses par des enthousiastes, des autodidactes.
Il
est curieux de noter qu’à une époque où pour le jeune Etat
soviétique, le théâtre était un instrument d’influence
idéologique sur les masses, en Mordovie, il a continué à
remplir une fonction éducative de type traditionnel. Sa
destinée n’intéressait pas seulement les animateurs du
mouvement national, les porteurs de la langue, mais aussi ceux
des militants russes qui n’étaient pas indifférents au sort de
la culture du peuple mordve. Parmi eux, Timofej Vasiljevich
Vasiljev, célèbre promoteur de l’autonomie, qui, dans son
livre « Mordovie » (première édition en 1934)
écrivait : « Le théâtre mordve en est à ses tout
débuts. Bien des clubs et des maisons de la culture se sont
lancés dans la mise en scène de pièces bien avant leur
publication. Souvent, les artistes amateurs des villages
concevaient eux-mêmes des pièces mordves et les réalisaient
aussitôt sur place. En 1924 a été publié pour la première fois
le recueil de pièces originales mordves de F. Chesnokov,
Vasiljev, Okin et Zhidkov. Ce recueil s’est vendu si
rapidement, qu’il est devenu une rareté bibliographique.
L’ensemble du répertoire du théâtre mordve ne compte pas plus
de dix titres différents. L’insuffisance des pièces est à ce
jour le principal obstacle au développement du théâtre
mordve ».
Ce
problème fut pris en main par le commissariat du peuple aux
nationalités, qui s’inquiétait entre autres de la situation
d’un groupe important des Mordves, ceux qui vivaient dans
l’aire la moins favorisée de Moscou, Marina Roshcha. C’est
avec la participation active de la section mordve du
commissariat que fut organisé, au sein des travailleurs
mordves, l’association « Syrgozema » («Eveil»), qui se
fixa comme objectif d’élever le niveau culturel du peuple
mordve, de l’engager dans la construction de la nouvelle vie
et de développer une littérature en mordve. Le groupe
moscovite des étudiants mordves, dans le cadre de
l’association « Syrgozema », organisa au théâtre
« Commune » des groupes de théâtre et de chant
choral.
Dans
les années 1920-1930 il y eut dans la presse une discussion
animée sur les mises en scène dans les théâtres. Les
évaluateurs et les observateurs passionnés de l’art théâtral
étaient aussi bien des artistes amateurs que de simples
spectateurs, qui ne pouvaient pas toujours proposer une
évaluation objective du niveau artistique de la troupe et des
metteurs en scène, ce qui explique la prolifération des notes
anonymes critiquant les spectacles et signées :
« Spectateur », « Evaluateur de théâtre »,
« Scarabée »
etc.
L’on trouvait des personnes non indifférentes à l’art
dans toutes les couches de la société, ce qui eut des effets
sur le développement de la critique, sur la détermination de
ses fondements. Il faut surtout noter ici le travail des
premiers écrivains nationaux, qui se rassemblaient pour
discuter toute œuvre nouvelle, faisaient des observations et
publiaient leurs réflexions dans les journaux.
L’interprétation du travail accompli devient plus visible dans
les œuvres publiées en mordve : souvent, de petites
recensions de collègues écrivains portant sur les coulisses de
la création les pièces, les récits, les poèmes publiés. Mais
pour ce qui est de la grande masse des auteurs nationaux de
théâtre, il faut noter que dans la majorité des cas, leur
destinée ultérieure n’est pas en rapport avec le théâtre, et
que la biographie de la plupart d’entre eux nous est jusqu’à
aujourd’hui inconnue. Il y a à cela plusieurs raisons :
1) le faible niveau des pièces, qui sont tournées souvent non
pas vers le spectateur, mais vers les auteurs et suivent sans
esprit critique les règles de la scène ; 2) le fait que
tel ou tel auteur se tourne épisodiquement (souvent sous
pseudonyme) vers l’écriture théâtrale ; 3) les exigences
croissantes de la société elle-même, où étaient encore forts
les souvenirs des spectacles des groupes du gouvernorat de
Penza en tournée, des capitales, et l’expérience heureuse des
théâtres populaires, qui faisaient salle pleine et qui
abordaient le répertoire et la mise en scène sérieusement,
dans la mesure de leurs propres connaissances et savoir-faire.
La situation connut une transformation sérieuse avec la
création d’un théâtre professionnel mordve, précédée par celle
d’un studio pédagogique. Mais ici aussi tout n’était pas
positif du point de vue du travail du groupe avec les
matériaux mordves et pour le spectateur mordve. La
programmation d’une énorme quantité de spectacles que la
troupe devait monter dans un très court laps de temps (deux
spectacles et deux concerts par mois) ainsi que le manque de
cadres expliquent la faible qualité de bien des travaux
présentés à l’époque. Et bien que les artistes aient souvent
été chaleureusement accueillis dans les différentes régions de
la république, les organisateurs du théâtre eux-mêmes étaient
parfois très critiques sur le travail du groupe. Ainsi, l’un
des responsables musicaux de la troupe, P. Organov,
organisateur de théâtre, écrit dans son rapport sur le travail
en 1933 : « Le travail sur la dimension dramatique
de notre activité est paralysé, et nous nous sommes surtout
concentrés sur les concerts. En juillet la troupe travaille
dans le rajon d’Arjashev pour la récolte, puis dans celui de
Dubeno pour les semailles d’automne. De retour à Saransk, nous
découvrons que nous ne sommes pas satisfaits du dernier
recrutement pour compléter la troupe /de Samara/ dans son
ensemble, puisqu’il concerne des Russes qui ne nous servent
dont qu’à chanter, et ne peuvent pas jouer. C’est pourquoi
presque tous les artistes dernièrement engagés ont été démis,
et la troupe n’a gardé que ses travailleurs principaux, à
savoir neuf personnes dont, à ce jour, ne travaillent que six,
comme nous l’avons constaté : /Vdovin, Kostjushov,
Surajkin, Agevnina, Grushinina et Devjatajkina/. Ces
travailleurs en octobre 1933 ont catégoriquement posé à la
direction du théâtre et à l’Obl Ono la question d’inviter un
metteur en scène qualifié, qui soit aussi un formateur.
Pendant les quelques mois nécessaires à chercher ce metteur en
scène la troupe a été entièrement inactive, ne sortant que
rarement dans les rajons, surtout avec des concerts, pour que
les artistes fassent quelque chose. En février 1934 l’OblOno
les a envoyés dans tous les rajons de l’oblast pour organiser
des groupes amateurs »[4]. Or
ces moments désagréables, mais aussi le fait que de nombreuses
pièces fussent montées en russe furent contrebalancés par la
coopération avec le Petit théâtre de Moscou (Malyj), et par de
sérieuses mises en scène dans les langues mordves, entre
autres le premier drame musical « Litova » (1939) ;
en ce qui concerne l’écriture dramatique, d’importants
écrivains mordves,
tels К.
Petrov, М.
Bezborodov, М.
Beban, se mirent activement à l’ouvrage.
Si le début du XXe siècle, plus précisément les années
1920 sont caractérisés par une certaine tendance à la
superficialité, par la quête d’une forme extérieure accessible
à la masse des spectateurs, dans la deuxième moitié du siècle
on trouve une tendance à la profondeur intérieure, à la
reformulation de thèmes comme la vie quotidienne et les
relations au village, le retour à la vie des simples familles
mordves, et cela tient avant tout à l’épanouissement du talent
théâtral de l’écrivain erza K.G. Abramov.
Le
théâtre mordve s’est manifesté de manière particulièrement
brillante en 1989, quand, après avoir étudié à Moscou, un
groupe d’artistes revint au studio national de l’école М.S.
Shchepkin, ce qui permit de rouvrir un théâtre national.
L’ouverture de la saison et le fait même de l’apparition dans
la vie culturelle de la république d’un tel théâtre émut le
corps social et bien sûr l’intelligentzia nationale. Les mises
en scène furent activement discutées dans la presse, et lors
de rencontres on entendit des opinions opposées sur la qualité
du travail du groupe. Mais l’idée principale qui s’exprimait à
l’époque était le bonheur d’entendre sur scène la langue
vernaculaire dans la république nationale. Les tournées se
multiplièrent également, auxquelles participa largement А.I.
Pudin, qui dirigeait le théâtre et qui écrit pour lui encore
aujourd’hui. Ce nom évoque également le dernier renforcement
de la troupe, qui a vu arrivé de Mokshas et d’Erzas venus du
théâtre dramatique russe (М.P.
Plotnikova, Т.V. Vesen’eva, V.N.
Gudozhnikov, N.V. Hramov, V.P. Akashkin).
Aujourd’hui
le théâtre national est confronté, me semble-t-il, à un certain manque
d’assurance, qui rappelle la situation au début du XXe siècle.
Mais aujourd’hui il y existe une solide communauté d’acteurs,
capables de réaliser de séreuses mises en scène en erza et
moksha, et il existe une écriture théâtrale nationale, aussi bien passée que
présente, portée par les écrits de V.I. Mishanina et А.I.
Pudin. Il ne reste qu’à attendre l’élévation du théâtre
national à un nouveau niveau de son développement, auquel il a
aspiré dans les longues années qui ont suivi sa formation.
[1] См.: Канаева
В. И. Высокое служение малой сцене / В. И. Канаева. -
Саранск, 2002 - С. 5-7.
[2] См.:
Житаев, В. Л. Культурно-просветительская деятельность в
Мордовии (конец XIX в. –
80-е гг. XX в.) /
В. Л. Житаев, О. Ю. Осьмухина. Саранск, 2003. С. 44.
[3] ГАПО, ф. 5,
оп. 1, д. 7496. Прошение жителей города Саранска об
утверждении Устава Саранского общества любителей изящных
искусств.
[4] Личный архив
автора: Историческая справка О Государственном Мордовском
Драматическом театре, за время с 1 сентября 1930г. по 15
января 1935г.