Colloque "Théâtre en langue minorée", Nice, 2014.

Igor' ZUBOV

LE THÉÂTRE NATIONAL DE MORDOVIE EN TANT QU’ESPACE DU DIALOGUE INTERCULTUREL

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La place exclusive qu’occupe le théâtre dans le développement des cultures des régions nationales de Russie incite les chercheurs à se pencher de plus en plus souvent sur ce phénomène pour comprendre de manière plus exhaustive telle ou telle étape dans l’histoire de ces peuples. Et ce d’autant qu’indépendamment de la période, l’art théâtral reste l’une des formes les plus souples pour rendre compte de la réalité et des besoins d’une époque. C’est bien là la raison pour laquelle je voudrais me tourner en détail sur des dimensions peu étudiées de son émergence et de son fonctionnement : l’interaction entre le public et le théâtre, la vie sociale et le théâtre, l’État et le théâtre, le pouvoir et le théâtre. Tout ceci permet de reconstruire la manière dont le théâtre national de Mordovie a absorbé et représenté des éléments de sa culture propre et des cultures empruntées, et dont son action s’est reflétée dans la vie de la société.

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La place unique qu’occupe le théâtre dans le développement des cultures nationales de Russie amène les chercheurs à se tourner plus souvent qu’à l’ordinaire vers ce phénomène pour mieux comprendre telle ou telle étape de l’évolution des peuples. Et ce d’autant plus qu’indépendamment de l’époque, l’art théâtral était et demeure l’une des formes les plus souples pour refléter la réalité et les besoins de son temps. C’est pour cette raison que je voudrais examiner en détail des aspects peu étudiés de ses débuts et de son fonctionnement en tant que corrélation du public et du théâtre, de la vie sociale et du pouvoir, de l’État et du théâtre, du pouvoir et du théâtre, ce qui permettra de reconstruire la manière dont le théâtre national, en Mordovie, a absorbé et représenté des éléments de sa culture propre et de cultures empruntées, de suivre comment son action s’est reflétée dans la vie de la société.

         Pour des raisons historiques, le développement de l’art théâtral mordve a été surtout influencé par la culture russe. Et ce non seulement dans les principes, par exemple en matière de politique du répertoire, mais aussi, dans son ensemble, pour ce qui est des relations entre l’État et cette forme d’art, la participation de ce dernier à chaque étape de son développement.

Beaucoup de chercheurs du Théâtre national en Mordovie évaluent le début de son existence aux années 1930. Ceci répond à la logique de la périodisation du théâtre professionnel. Mais dans la plupart des cas, le XIXe siècle, de même que le début du XXe et la période postrévolutionnaire, restent en dehors du champ de vision des chercheurs. Or cette époque est celle de la formation du théâtre dit populaire, la base qui a permis l’apparition d’un théâtre professionnel. Pour remplir cette lacune, je vais tenter de me tourner vers certains faits qui, à mon avis, ont influé sur les processus créatifs et d’organisation.


Le mouvement théâtral dans les terres mordves dans le deuxième quart du XIXe siècle

Je voudrais commencer ce tour d’horizon en 1868 : cette année-là, le gouverneur de Penza reçut une circulaire qui lui demandait d’établir des rapports sur les théâtres des villes, les bâtiments où ils sont hébergés, l’origine et la durée de leur financement, la composition des troupes, les appréciations sur les mérites artistiques de la troupe et sur la réalisation scénique de ses pièces. Cet intérêt de la part de l’État n’était nullement fortuit, il s’inscrivait dans l’histoire du monopole des théâtres impériaux, qui avait commencé en 1803. De ce fait, on peut considérer que les mesures prises dans la deuxième moitié du XIXe siècle pour renforcer la censure sur le théâtre, qui ont pesé très directement sur la politique du répertoire, peuvent être vues comme un renforcement du rôle du théâtre dans la vie culturelle, sociale et intellectuelle du pays. Le monopole n’a été levé qu’en 1882, ce qui a été vu comme l’élimination du statut féodal du théâtre. Dans les capitales et dans les grandes villes des gouvernorats, les cercles d’amateurs commencèrent alors à se rassembler, on vit apparaître des entrepreneurs privés (dont le travail ne fut pas toujours couronné de succès) ; on assista à la multiplication des spectacles payants, non seulement dans des  buts caritatifs, mais aussi pour le plaisir esthétique.

Ainsi, en 1868, le gouverneur répondit par une disposition, valable dans les uezdy, qui obligeait le pouvoir local à rendre compte des spectacles montés dans les villes et dans les villages. De manière générale, il faut dire en partant des documents d’archives de la chancellerie du gouvernorat de Penza, qui couvrait une partie importante de la Mordovie d’aujourd’hui, que le mécanisme de régulation et de suivi de l’activité des groupes théâtraux fonctionnait bien : il arrivait souvent que des fonctionnaires de la gendarmerie, des responsables des polices locales fussent envoyés faire des « inspections » ; ils mettaient au point des rapports et les envoyaient au gouverneur de Penza. A partir de 1868, ces rapports devinrent annuels, parfois détaillés mois par mois.

Beaucoup de responsables du pouvoir, voyant dans le théâtre populaire un suppôt de la libre pensée et de la méfiance envers le gouvernement, ont commencé à redouter cette forme d’art. C’est pourquoi au début des années 1890 une censure particulière fut mise en place, qui venait s’ajouter à la censure générale pour les théâtres professionnels. Tout d’abord, ce qui s’est traduit sur le répertoire, les gouverneurs recevaient périodiquement des circulaires énumérant les œuvres qu’il était permis de monter dans les théâtres populaires. La première liste alphabétique complète de ces œuvres fut approuvée le 1er janvier 1888, une liste complémentaire le 1er avril 1891, une deuxième le 1er janvier 1894, une troisième le 1er janvier 1897, une quatrième le 1er janvier 1900.

Pourtant, malgré toutes les limitations et les interdictions gouvernementales, l’aspiration du peuple au théâtre ne cessait de grandir et les groupes amateurs se multipliaient[1], du fait des facteurs suivants : la scène permettait la rencontre de représentants de groupes sociaux divers ; le public se diversifiait (si avant il était composé surtout des classes privilégiées, désormais parmi les spectateurs du théâtre populaire on trouvait de plus en plus d’artisans, d’ouvriers des chemins de fer etc.) ; la reconnaissance populaire de cet art s’est reflétée aussi sur les lecteurs, dans la mesure où la presse périodique réagissait activement aux intérêts de la société. Ainsi,  dans les années 1890, on vit apparaître pratiquement dans chaque journal une rubrique théâtrale, qui informait les lecteurs sur l’état de la pratique théâtrale dans la région, ce qui incontestablement a influé aussi bien sur le développement de la critique théâtrale dans la presse que sur l’élévation de l’intérêt conscient de la part du public, surtout dans les couches peu fortunées de la société.

De manière générale, cette période est caractérisée par d’autres traits : des tendances plus anciennes demeurent, comme la prédominance du répertoire en russe, due à la censure, mais en même temps, à côté des vaudevilles, on trouve de plus en plus souvent à l’affiche des pièces d’A.N. Ostrovskij, N. V. Gogol, А. P. Tchekhov ; les centres culturels se déplacent dans les uezd, dans leurs villes (Saransk, Insar, Krasnoslobodsk etc.), où l’on monte régulièrement des spectacles, et où la population mordve est en majorité. Les contacts fréquents des spectateurs avec les acteurs professionnels en tournée et une approche plus responsable des entrepreneurs vis-à-vis de leur travail permet une élévation du niveau artistique du public, et élève la barre de leurs expectatives. Dans les régions où l’habitat mordve est compact les cercles d’acteurs amateurs, qui réalisent les premières tentatives de mises en scène dans leur langue, se multiplient.

Dans l’histoire de l’émergence d’un théâtre national professionnel on peut identifier une étape importante : en 1894 V.S.Serova fonda, au village de Sudosev, une chorale d’enfants et une troupe d’opéra constituée de paysans amateurs de musique et de chant choral. Les paysans présentèrent des scènes des opéras Une vie pour le tsar de М.I. Glinka, Le Prince Igor d’А.P. Borodin, Rogneda d’А.N. Serov, Mazeppa et L’opritchnik de P.I. Tchaïkovski, La Khovanshchina de М.P. Musorgski, Sadko de N.А. Rimskij-Korsakov, Ermak, Ilja Muromets, Aube sur la Russie et Uriel Acosta de Valentina Serova[2].


Naissance d’un théâtre national au début du XXe siècle et mise en place d’une structure étatique.

         Au début du ХХe siècle, on constate une élévation de la compétence des artistes amateurs, la poursuite d’une activité intense des groupes de théâtre avec une augmentation du nombre des participants. C’étaient là les conditions préalables pour que les éléments les plus actifs du théâtre national se rassemblent en une société afin d’améliorer par leurs efforts conjoints la qualité des spectacles et d’augmenter le nombre des spectateurs, de défendre les artistes face à l’arbitraire policier  et d’élever de manière générale l’autorité du théâtre populaire amateur, ce dont témoignent les documents des archives de l’Oblast’ de Penza[3]. Ainsi, en 1904, on vit apparaître dans la ville de Saransk la Société des amateurs des arts élégants. Dans la liste des fondateurs, on trouve О.F. Bronikovskaja, Nikolaj Alekseevich Syromjatnikov, membre de la municipalité, Nikolaj Ilich Kubancev, citoyen d’honneur héréditaire, Elena Lvovna et Nadezhda L’vovna Tokareva etc.

Ceci a donné l’exemple aux membres des cercles, qui commencèrent à se rassembler et à former des troupes permanentes, à constituer un répertoire qui leur soit propre, fait surtout de traductions du russe

On peut identifier une nouvelle vague de développement du mouvement national après la révolution de 1917. Dans cette période, on voir apparaître au sein du peuple mordve, qui essaye de se présenter comme participant à part entière de la construction du nouvel Etat, les premiers écrivains et journalistes, qui écrivent dans leur langue des œuvres relevant des gendres courts.

À en juger d’après les documents des archives centrales de la république de Mordovie, les principales difficultés de l’époque tiennent à la précarité, aux mauvaises conditions matérielles, à l’absence de financement centralisé de la part de l’Etat, ce qui fait que la plupart des réunions des artistes portaient sur le rationnement, la quête de moyens pour acheter des instruments de musique, des costumes et bien sûr, sur le problème permanent que constitue la recherche d’une scène permanente pour pouvoir travailler. Incontestablement, les désordres du quotidien à l’époque furent un frein à ce mouvement ; mais ils n’empêchèrent pas les premiers pas d’une évolution des groupes vers le professionnalisme. Ainsi, grâce aux documents d’archives, nous avons pu découvrir que lors de l’une des réunions des travailleurs de RABIS (l’association des travailleurs de l’art), il fut question de constituer un conseil artistique unifié pour apprécier les spectacles mis en scène, où étaient censés être représentés tous les profils des groupes de théâtre de la ville de Saransk.

La période de l’établissement de l’autonomie mordve est, il faut le dire, l’une des plus lumineuses, des plus complexes et des plus chargées dans l’histoire de l’émergence du théâtre national contemporain. C’est en effet à cette époque qu’apparaissent les premiers écrivains dits paysans, dont l’art venait du peuple et était tourné vers le peuple. Un nombre suffisant d’œuvres de cette période, écrites en moksha et en erza, a été préservé : malgré la faiblesse de leur niveau artistique, elles témoignent d’un véritable tournant dans l’art théâtral, avec l’apparition d’embryons de dramaturgie nationale mordve.

         Les années 1920-1930 du XXe siècle furent pour le peuple mordve une époque non seulement de mutations politiques et économiques, mais aussi d’un mouvement théâtral populaire de masse, qui commence dans les années 1920. Celui-ci a eu une signification énorme pour la formation de la culture spirituelle des Mordves, pour leur identité. C’est l’intelligentzia rurale et les étudiants qui jouent dans ce mouvement le rôle principal. A la campagne, les jeunes enseignants attiraient dans les groupes et dans les cercles de théâtre des jeunes et des personnes âgées, les alphabétisant et les initiant à la littérature.

Il faut noter que ce type de travail militant fut mené dans les villages et dans les villes de nombreux gouvernorats : de Samara, Saratov, Penza, là où vivaient les Mordves. A titre d’exemple, à Saratov firent organisés des groupes mordves professionnels de musique, de chant choral et de théâtre. Mais malgré l’effet positif indiscutable de ce militantisme (les groupes théâtraux amateurs eurent une énorme influence sur l’éducation de la population analphabète), la situation ne pouvait pas être considérée comme satisfaisante. Les arts visuels, notamment la mise en scène théâtrale, étaient portés dans les masses par des enthousiastes, des autodidactes.

Il est curieux de noter qu’à une époque où pour le jeune Etat soviétique, le théâtre était un instrument d’influence idéologique sur les masses, en Mordovie, il a continué à remplir une fonction éducative de type traditionnel. Sa destinée n’intéressait pas seulement les animateurs du mouvement national, les porteurs de la langue, mais aussi ceux des militants russes qui n’étaient pas indifférents au sort de la culture du peuple mordve. Parmi eux, Timofej Vasiljevich Vasiljev, célèbre promoteur de l’autonomie, qui, dans son livre « Mordovie » (première édition en 1934) écrivait : « Le théâtre mordve en est à ses tout débuts. Bien des clubs et des maisons de la culture se sont lancés dans la mise en scène de pièces bien avant leur publication. Souvent, les artistes amateurs des villages concevaient eux-mêmes des pièces mordves et les réalisaient aussitôt sur place. En 1924 a été publié pour la première fois le recueil de pièces originales mordves de F. Chesnokov, Vasiljev, Okin et Zhidkov. Ce recueil s’est vendu si rapidement, qu’il est devenu une rareté bibliographique. L’ensemble du répertoire du théâtre mordve ne compte pas plus de dix titres différents. L’insuffisance des pièces est à ce jour le principal obstacle au développement du théâtre mordve ».

Ce problème fut pris en main par le commissariat du peuple aux nationalités, qui s’inquiétait entre autres de la situation d’un groupe important des Mordves, ceux qui vivaient dans l’aire la moins favorisée de Moscou, Marina Roshcha. C’est avec la participation active de la section mordve du commissariat que fut organisé, au sein des travailleurs mordves, l’association « Syrgozema » («Eveil»), qui se fixa comme objectif d’élever le niveau culturel du peuple mordve, de l’engager dans la construction de la nouvelle vie et de développer une littérature en mordve. Le groupe moscovite des étudiants mordves, dans le cadre de l’association « Syrgozema », organisa au théâtre « Commune » des groupes de théâtre et de chant choral.

Dans les années 1920-1930 il y eut dans la presse une discussion animée sur les mises en scène dans les théâtres. Les évaluateurs et les observateurs passionnés de l’art théâtral étaient aussi bien des artistes amateurs que de simples spectateurs, qui ne pouvaient pas toujours proposer une évaluation objective du niveau artistique de la troupe et des metteurs en scène, ce qui explique la prolifération des notes anonymes critiquant les spectacles et signées : « Spectateur », « Evaluateur de théâtre »,  « Scarabée » etc.

         L’on trouvait des personnes non indifférentes à l’art dans toutes les couches de la société, ce qui eut des effets sur le développement de la critique, sur la détermination de ses fondements. Il faut surtout noter ici le travail des premiers écrivains nationaux, qui se rassemblaient pour discuter toute œuvre nouvelle, faisaient des observations et publiaient leurs réflexions dans les journaux. L’interprétation du travail accompli devient plus visible dans les œuvres publiées en mordve : souvent, de petites recensions de collègues écrivains portant sur les coulisses de la création les pièces, les récits, les poèmes publiés. Mais pour ce qui est de la grande masse des auteurs nationaux de théâtre, il faut noter que dans la majorité des cas, leur destinée ultérieure n’est pas en rapport avec le théâtre, et que la biographie de la plupart d’entre eux nous est jusqu’à aujourd’hui inconnue. Il y a à cela plusieurs raisons : 1) le faible niveau des pièces, qui sont tournées souvent non pas vers le spectateur, mais vers les auteurs et suivent sans esprit critique les règles de la scène ; 2) le fait que tel ou tel auteur se tourne épisodiquement (souvent sous pseudonyme) vers l’écriture théâtrale ; 3) les exigences croissantes de la société elle-même, où étaient encore forts les souvenirs des spectacles des groupes du gouvernorat de Penza en tournée, des capitales, et l’expérience heureuse des théâtres populaires, qui faisaient salle pleine et qui abordaient le répertoire et la mise en scène sérieusement, dans la mesure de leurs propres connaissances et savoir-faire.

         La situation connut une transformation sérieuse avec la création d’un théâtre professionnel mordve, précédée par celle d’un studio pédagogique. Mais ici aussi tout n’était pas positif du point de vue du travail du groupe avec les matériaux mordves et pour le spectateur mordve. La programmation d’une énorme quantité de spectacles que la troupe devait monter dans un très court laps de temps (deux spectacles et deux concerts par mois) ainsi que le manque de cadres expliquent la faible qualité de bien des travaux présentés à l’époque. Et bien que les artistes aient souvent été chaleureusement accueillis dans les différentes régions de la république, les organisateurs du théâtre eux-mêmes étaient parfois très critiques sur le travail du groupe. Ainsi, l’un des responsables musicaux de la troupe, P. Organov, organisateur de théâtre, écrit dans son rapport sur le travail en 1933 : « Le travail sur la dimension dramatique de notre activité est paralysé, et nous nous sommes surtout concentrés sur les concerts. En juillet la troupe travaille dans le rajon d’Arjashev pour la récolte, puis dans celui de Dubeno pour les semailles d’automne. De retour à Saransk, nous découvrons que nous ne sommes pas satisfaits du dernier recrutement pour compléter la troupe /de Samara/ dans son ensemble, puisqu’il concerne des Russes qui ne nous servent dont qu’à chanter, et ne peuvent pas jouer. C’est pourquoi presque tous les artistes dernièrement engagés ont été démis, et la troupe n’a gardé que ses travailleurs principaux, à savoir neuf personnes dont, à ce jour, ne travaillent que six, comme nous l’avons constaté : /Vdovin, Kostjushov, Surajkin, Agevnina, Grushinina et Devjatajkina/. Ces travailleurs en octobre 1933 ont catégoriquement posé à la direction du théâtre et à l’Obl Ono la question d’inviter un metteur en scène qualifié, qui soit aussi un formateur. Pendant les quelques mois nécessaires à chercher ce metteur en scène la troupe a été entièrement inactive, ne sortant que rarement dans les rajons, surtout avec des concerts, pour que les artistes fassent quelque chose. En février 1934 l’OblOno les a envoyés dans tous les rajons de l’oblast pour organiser des groupes amateurs »[4]. Or ces moments désagréables, mais aussi le fait que de nombreuses pièces fussent montées en russe furent contrebalancés par la coopération avec le Petit théâtre de Moscou (Malyj), et par de sérieuses mises en scène dans les langues mordves, entre autres le premier drame musical « Litova » (1939) ; en ce qui concerne l’écriture dramatique, d’importants écrivains  mordves, tels К. Petrov, М. Bezborodov, М. Beban, se mirent activement à l’ouvrage.


Les mises en scène théâtrales dans la deuxième moitié du XXe siècle

         Si le début du XXe siècle, plus précisément les années 1920 sont caractérisés par une certaine tendance à la superficialité, par la quête d’une forme extérieure accessible à la masse des spectateurs, dans la deuxième moitié du siècle on trouve une tendance à la profondeur intérieure, à la reformulation de thèmes comme la vie quotidienne et les relations au village, le retour à la vie des simples familles mordves, et cela tient avant tout à l’épanouissement du talent théâtral de l’écrivain erza K.G. Abramov.

Le théâtre mordve s’est manifesté de manière particulièrement brillante en 1989, quand, après avoir étudié à Moscou, un groupe d’artistes revint au studio national de l’école М.S. Shchepkin, ce qui permit de rouvrir un théâtre national. L’ouverture de la saison et le fait même de l’apparition dans la vie culturelle de la république d’un tel théâtre émut le corps social et bien sûr l’intelligentzia nationale. Les mises en scène furent activement discutées dans la presse, et lors de rencontres on entendit des opinions opposées sur la qualité du travail du groupe. Mais l’idée principale qui s’exprimait à l’époque était le bonheur d’entendre sur scène la langue vernaculaire dans la république nationale. Les tournées se multiplièrent également, auxquelles participa largement А.I. Pudin, qui dirigeait le théâtre et qui écrit pour lui encore aujourd’hui. Ce nom évoque également le dernier renforcement de la troupe, qui a vu arrivé de Mokshas et d’Erzas venus du théâtre dramatique russe (М.P. Plotnikova, Т.V.  Vesen’eva, V.N. Gudozhnikov, N.V. Hramov, V.P. Akashkin).

Aujourd’hui le théâtre national est confronté, me semble-t-il,  à un certain manque d’assurance, qui rappelle la situation au début du XXe siècle. Mais aujourd’hui il y existe une solide communauté d’acteurs, capables de réaliser de séreuses mises en scène en erza et moksha, et il existe une écriture théâtrale nationale,  aussi bien passée que présente, portée par les écrits de V.I. Mishanina et А.I. Pudin. Il ne reste qu’à attendre l’élévation du théâtre national à un nouveau niveau de son développement, auquel il a aspiré dans les longues années qui ont suivi sa formation.

 



[1] См.: Канаева В. И. Высокое служение малой сцене / В. И. Канаева. - Саранск, 2002 - С. 5-7.

[2] См.: Житаев, В. Л. Культурно-просветительская деятельность в Мордовии (конец XIX в. – 80-е гг. XX в.) / В. Л. Житаев, О. Ю. Осьмухина. Саранск, 2003. С. 44.

[3] ГАПО, ф. 5, оп. 1, д. 7496. Прошение жителей города Саранска об утверждении Устава Саранского общества любителей изящных искусств.

[4] Личный архив автора: Историческая справка О Государственном Мордовском Драматическом театре, за время с 1 сентября 1930г. по 15 января 1935г.

 

Traduit du russe par Eva Toulouze.