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Le théâtre macédonien « de la vie » ou « du
quotidien » (1848-1950), bitoven teatar (битовен
театар), est un genre relevant à la fois de l’oralité et de
l’écriture. La poésie orale, en tant que forme brève, non
seulement ouvre et clôt ces pièces, mais est aussi insérée
dans le texte, non pour illustrer le propos ni pour camper le
décor mais comme partie intégrante du discours narratif et de
sa structure. Bien que la langue macédonienne soit à l’origine
des lettres slaves, la littérature macédonienne, en revanche,
du fait d’une histoire très mouvementée et discontinue, se
développe tardivement laissant ainsi une place considérable à
l’oralité. Le passage progressif de l’oralité à l’écriture
s’inscrira dans les premières formes littéraires, tel le
théâtre, par des traces non négligeables de différentes formes
orales.
Ce théâtre né sous la domination ottomane,
continuera a être produit après le partage de la Macédoine en
quatre parties (1913), intégrées dans quatre États (Grèce,
Bulgarie, Serbie, Albanie). La langue macédonienne sera alors
nommée « parler, dialecte » serbe ou bulgare, dans tous les
cas deviendra une langue minorée, jusqu’à la création de la
république socialiste de Macédoine au sein de la fédération
yougoslave, la standardisation et l’officialisation de la
langue macédonienne (1945).
Ce théâtre, utilisé comme tribune pour l’éveil de la
conscience nationale des Macédoniens et pour l’incitation à la
révolte pour leur libération des différentes dominations, ne
limite pas la pratique de l’enchâssement de formes brèves au
passage de l’oral à l’écrit. La poésie orale, en tant que
forme brève, est ici le « dit mémorable », qui s’apparente à
une formule sentencieuse ou à une citation, porteuse d’une
vérité commune. Tout en identifiant une communauté, elle
légitime son existence lors même que la situation politique la
nie.
Notre propos sera d’étudier ce théâtre en
langue minorée et les différentes modalités d’insertion de la
poésie orale dans ces textes dramatiques ainsi que leur portée
sémantique.
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Le théâtre macédonien
« de la vie » ou « du quotidien »
(1848-1950), bitoven
teatar (битовен театар), est un genre relevant à la
fois de l’oralité et de l’écriture. La poésie orale[1],
en tant que forme brève, non seulement ouvre et clôt les
pièces, mais elle est aussi insérée dans le texte, non pour
illustrer le propos ni pour camper le décor mais comme partie
intégrante du discours narratif et de sa structure. Bien que
la langue macédonienne soit à l’origine des lettres slaves, la
littérature macédonienne, en revanche, du fait d’une histoire
très mouvementée et discontinue, se développe tardivement
laissant ainsi une place considérable à l’oralité. Le passage
progressif de l’oralité à l’écriture s’inscrira dans les
premières formes littéraires, tel le théâtre, par des traces
non négligeables de différentes formes orales. Toutefois, le
sens de ces formes brèves enchâssées ne se limite pas à ce
passage de l’oral à l’écrit. Aussi étudierons-nous les
différentes modalités d’insertion de la poésie orale dans les
textes dramatiques ainsi que leur portée sémantique.
Les Slaves, en s'installant
en Macédoine, ont apporté avec eux leur culture matérielle et
spirituelle dont « leurs danses diaboliques[2] »
qu'ils
mettaient en scène lors de la célébration du culte des dieux
Peroun, Dajbog, Svarog et Veles qui occupaient une place
centrale dans leur mythologie. L'expression macédonienne
« besovski igri » (« бесовски игри »), composée du mot vieux-slave
« bes » (« бес ») :
« esprit impur » ; « diable », utilisée
par l'Eglise pour désigner ces jeux, peut se traduire par
« danses/jeux diaboliques » ou
« danses/jeux des esprits impurs ». Le substantif
« igra » signifie à la fois « danse » et
« jeu ». Ces danses étaient accompagnées de
« besovski pesni » (chants diaboliques) et de
musique jouée sur des instruments tels le tapan [grosse
caisse], la guzla[3],
et différentes clarinettes à sonorité aiguë. Ces cultes,
pratiqués au centre du village ou de la ville, avaient pour
spectateurs les habitants de ces lieux. Les historiens y
voient le début du théâtre slave en Macédoine[4].
La christianisation des
Slaves de Macédoine, dès le VIIème siècle et plus
intensivement avec la création au IXème siècle de
l'alphabet glagolitique sur la base des parlers macédoniens de
la région de Salonique par les frères Cyrille et Méthode et
l'introduction du slave comme quatrième langue sacrée auprès
du grec, du latin et de l'hébreu, permettra la naissance des
lettres slaves et l'inscription de leur culture[5].
Cependant la christianisation marquera aussi la lutte contre
le paganisme et tous les rites afférents. Les danses et jeux
diaboliques furent interdits mais ne disparurent pas pour
autant. La célébration de ces rites, surnommés par l’Eglise
« danses hérétiques honteuses », se déroulait alors
dans des lieux secrets, à l'abri des regards ou en dehors de
la ville. Comme le remarque Riste Stefanovski, les danses
cultuelles appelées « Rousalii[6] »,
« rousaliski
igri », encore pratiquées de nos jours, étaient les plus
attaquées par l'Eglise. Ces danses se rattachent à trois
éléments fondamentaux : l'eau, la fécondité/fertilité et le
culte des morts ainsi qu'à la magie. Ces danses, tout comme
les contes populaires macédoniens, contés sous une forme
dialoguée, contenaient des éléments théâtraux. La même
remarque s'applique aux chants populaires liés aux rites
saisonniers. Au IXème siècle, ce sont précisément
les hérétiques, en particulier, les bogomiles, dont le berceau
se trouvait en Macédoine, qui préserveront l'héritage
culturelle vieux-macédonien et contribueront au développement
du théâtre. L'apparition des danses appelées
« babari », « vasiličari[7] »,
représente
la naissance d'une forme plus élaborée de l'art théâtral. Ces
danses, accompagnées de dialogues, de chants, de musique, de
masques et de pantomimes, créeront les conditions favorables à
la naissance du théâtre médiéval.
Les troupes itinérantes,
dont on soulignait le caractère subversif, étaient condamnées
avec la même véhémence, dès le IVème siècle, par
l’Eglise. Les représentations théâtrales de ces troupes
itinérantes se distingueront peu des « danses
diaboliques », au Moyen Age. Lorsque les troupes se
produiront dans des monastères, leurs pièces auront pour sujet
des motifs religieux (XIIème siècle) et, dès le
XIIIème siècle, sous l'influence de la
pré-renaissance italienne, parvenue jusqu'en Macédoine par le
truchement des commerçants de Dubrovnik, elles auront pour
thème la vie des mortels. L'arrivée des Ottomans et la prise
de Skopje, gouvernée alors par le roi Marko (1335-1395), le 6
janvier 1392, marquent la suspension du développement du
théâtre macédonien[8].
Cinq siècles de domination
ottomane vont inscrire leurs empreintes dans la société
macédonienne. Le paysage ethnique va subir de très grandes
transformations. Sous la nécessité pour l'Empire d'assurer la
sécurité des routes militaires mais aussi permettre
l'installation des Ottomans et des colons venus d'Asie
mineure, les villes, très souvent, se videront de leur
population autochtone chrétienne contrainte de se réfugier
dans les montagnes, seuls les Macédoniens qui accepteront de
s'islamiser, comme les torbeshs, appelés aussi pomaks,
pourront y demeurer. La ville de Skopje, renommée Isküp,
capitale des sultans et base des troupes chargées de la
conquête des territoires au nord de la péninsule balkanique et
en Europe centrale changera de physionomie et prendra l'aspect
d'une ville orientale. La paysannerie se scindera en deux
catégories : les paysans
libres des villages de montagnes et les paysans
travaillant dans les
tchifliks : les terres confisquées et exploitées
par les Ottomans. Sur un total de 1837 villages macédoniens,
552 étaient des villages de tchifliks, 336
mixtes, et les 949 restants étaient des villages de montagnes
sans terres cultivables[9].
Par conséquent, la montagne devenait le réservoir d'une
main-d'œuvre gratuite pour les nombreuses corvées (ангарија/angarija) ou peu rémunérée,
en tant que journalier (аргат/argat),
pour les travaux saisonniers, et de l'émigration macédonienne
(печалба/pečalba), interne dans sa
première phase, au XVe siècle, puis externe à
partir de la fin du XVIIIe siècle et début du XIXe
siècle.
Qu'advient-il du théâtre
dans ces conditions ? Durant la période ottomane, pour des
raisons religieuses, il n'y a pas de théâtre proprement dit
mais, en dehors des spectacles forains, existent des formes de
spectacles traditionnels qui pourraient s'apparenter au
théâtre : meddah
(conteur), kukla
(les marionnettes), karagöz
(le théâtre d'ombre) et orta-oyunu
(jeu au centre, jeu de milieu)[10].
Ces formes théâtrales n'étaient pas destinées aux chrétiens et
avait pour public la communauté musulmane. A Skopje, en 1897,
une troupe itinérante arménienne Borgez-Théâtre, du nom de son
directeur, donnera ses spectacles dans le café Beledie, puis devant
l'accueil et le succès rencontrés, elle s'installera dans
l'immeuble de l'Ada-Café
où elles montera ses spectacles. La nomination de Mahmud
Chevket Pasha aux fonctions de vali permettra la construction
du Théâtre turc, en 1906. Cependant, ce théâtre ne fut pas
fréquenté par la population chrétienne et n'eut pas
d'influence sur le développement du théâtre macédonien[11].
La tradition orale et, plus
particulièrement la poésie orale, de par sa facilité à être
pratiquée et véhiculée en tout lieu et à tout moment, devient
durant cette période de domination, et dans le processus de
renforcement du lien communautaire par le biais de la coutume,
l'unique lien direct au sein de la population macédonienne.
Cette tradition, très ritualisée, conservera, voire
accentuera, son syncrétisme mêlant tout à la fois chant
dialogué, danse, musique, performance et lien communautaire.
Elle suivra fidèlement la vie du Macédonien en relevant tous
les phénomènes essentiels à la définition de son identité et
l'accompagnera dans les différentes étapes tout au long de sa
vie. Arnold Van Gennep[12]
souligne le caractère dramatique de la vie : « Il paraîtra peut-être au
lecteur que c'est énoncer un lieu commun que de dire que la
vie individuelle et collective n'est qu'une succession de
drames. Mais cette observation de bon sens, directe et non pas
littéraire, semble n'avoir été faite que par très peu de
folkloristes. Sinon, au lieu de rechercher la singularité de
l'anecdote, ils nous auraient donné des descriptions
minutieuses et complètes des divers actes qui accompagnent
chacun des drames successifs [...] Pour simplifier, j'ai nommé
cette nécessité la loi des séquences : elle s'exprime par des
rites dans certains cas et dans d'autres par la poésie, la
musique, et même, en un sens par la peinture et la sculpture.
On peut aller du simple au complexe, ou inversement ; le
problème reste le même. Il faut arriver à classer un individu
dans son milieu ou suggérer au spectateur la série d'émotions
voulues.[...] D'autre part, un drame peut être exposé tout au
long ou en raccourci ; il existe toute une échelle depuis
le lever de rideau en un acte jusqu'au drame shakespearien qui
est le plus complexe de tous. De même, le baptême, le mariage,
les funérailles et toutes les cérémonies annuelles peuvent ne
consister qu'en quelques rites brefs ou en une cérémonie
étonnamment complexe qui se continue non pendant des jours
seulement, mais pendant des années. Chez certains peuples, les
rites funéraires comportent des renouvellements annuels et si
l'on croit à la réincarnation, ils viennent se raccorder à des
dizaines d'années d'intervalle, aux rites de la naissance. On
a affaire alors à un cycle fermé, constitué par une succession
ininterrompue d'étapes et de recommencements.» Pour Van Gennep
tous les peuples fonctionnent selon les mêmes principes
fondamentaux, seules divergent les techniques d'exécution,
d'où l'importance d'un relevé minutieux de tous les détails.
Ce n'est qu'à cette condition qu'est perçu avec netteté le
scénario dramatique comme celui d'une pièce de théâtre[13].
Dans une situation de
domination, le renforcement du lien communautaire, par le
renforcement des coutumes et le respect de la tradition,
accentuera ce caractère dramatique. La communauté devient la
scène où se jouent les drames quotidiens. Les Ottomans
deviennent spectateurs mais aussi acteurs. Si, avant l'arrivée
des Ottomans, la communauté était traversée de tensions
internes qui pouvaient entraîner sa disparition, avec
l'occupation, elle doit affirmer et rendre visible son
existence par des rapports solidaires. Pour marquer l'existence,
la cohésion, il faut établir des lois ou, quand cela est
impossible, en situation de domination, respecter celles des
ancêtres qui sont déjà en vigueur par la célébration des
coutumes. Il faut sans cesse donner les preuves, à travers ces
lois, de son existence, pour convaincre de son existence, de
sa force, de son pouvoir, mais aussi pour se convaincre
soi-même et vaincre sa peur. La communauté, pour l'occupant,
est une nécessité, pour l'individu dominé elle devient une
obligation. Aussi, devons-nous opérer une distinction entre
l'organisation de l'Empire ottoman qui rend nécessaire la
communauté pour mieux la contrôler et la combattre et la
consolidation de cette communauté par les individus en réponse
à l'Empire. Face à ce pouvoir, se dresse une communauté
virtuelle qui n'existera que si elle se crée et s'institue
comme telle. La véritable communauté n'existe qu'au sein des
individus qui l'instituent par le biais d'un réseau de
relations, de rapports fondés sur la tradition, les coutumes.
Il n'y a pas de communauté imaginaire, elle doit devenir
réelle. Il n'y a de communauté que celle que l'on crée. Par là
s'explique la permanence des rites, des coutumes, de la
tradition orale, malgré une situation de paupérisation,
d'accroissement de l'endettement et conséquemment de
migration.
Au XIXème
siècle, l'Empire est dans une phase de déclin. Le 16 juin
1826, le sultan Mahmud promulgue le firman de la répression
radicale des janissaires et met fin à ce corps, qui était
synonyme de la puissance de l'Empire. Cela favorisera l'éveil
de la conscience nationale et les luttes de libération
nationale ainsi que le déploiement des
propagandes (grecque, bulgare, serbe) sur le territoire de la
Macédoine dans l'objectif de l'annexer à leurs Etats
nouvellement créés[14].
La propagande grecque était la plus ancienne. Le patriarcat
grec du Phanar (quartier de Constantinople) était le seul
protecteur légal des populations chrétiennes des Balkans
vivant à l’intérieur des frontières de l’Empire ottoman.
L'école étant dispensée par l'Eglise, les Macédoniens
apprenaient donc le grec. Puis, avec la création de l’exarchat
bulgare (11 mars 1870), la propagande bulgare se développe
intensément, d’autant plus que l’éveil national des
Macédoniens avait commencé à travers la lutte entreprise par
le clergé contre le Patriarcat grec pour introduire la langue
slave dans les églises et les écoles. Les Macédoniens
fréquentèrent les écoles de l'Exarchat non parce qu’ils se
pensaient Bulgares, mais parce que c’était le seul moyen de
s’affranchir de la langue grecque et, en tant que Slaves,
d'être instruits dans une langue slave proche du macédonien.
En 1886, la Serbie, après la signature d'une convention
consulaire avec la Turquie, dépêche ses consuls à Skopje et à
Salonique, puis à Bitola et à Serres. Elle crée l’association
« Saint Sava » pour développer la propagande
nationale serbe en Macédoine, y promouvoir l’enseignement et
la culture serbes et faciliter aux Macédoniens l’entrée dans
les écoles serbes, par des bourses. La question macédonienne
était au centre des débats et la Macédoine fut surnommée la
« pomme de discorde ». C'est dans ce contexte que
voit le jour la renaissance macédonienne en général et du
théâtre en particulier. Le retour de la population
macédonienne dans les villes place ces derniers en deuxième
position de par leur nombre, après la population musulmane[15].
La jeune bourgeoise macédonienne envoie ses enfants dans les
écoles européennes, quant aux enfants des familles démunies,
en l'absence d'écoles macédoniennes, ils fréquentent les
écoles des propagandes. Les instituteurs formés dans ces
différentes écoles seront les acteurs de la Renaissance
macédonienne.
Jordan Adji
Konstantinov-Djinot (1818/21 ?-1882), dit le
« Géant », est à l'origine du théâtre
« scolaire » ou
« pédagogique/didactique ». Par ce genre, il
s’agissait d’éduquer les Macédoniens, de les amener à la
révolte contre le patriarcat grec et contre les phanariotes et
de les instruire dans leur langue populaire. Djinot n’avait
pas la prétention d’écrire des œuvres d’art. Il écrivait des
pièces d’un acte, bien souvent la reprise d’œuvres classiques
qu’il traduisait et adaptait au public de son époque ou des
dialogues en langue macédonienne qu’il écrivait d’après les
idées des lumières. Ces pièces, écrites pour être jouées,
avaient d’autant plus d’impact qu'il les mettait lui-même en
scène (à partir de 1848, à Skopje), et les faisait jouer par
les élèves dans les écoles et lors de fêtes. Il publiait des
comptes rendus des représentations dans les journaux. Ainsi,
elles touchaient une large partie de la population
macédonienne. En tant que traducteur, maîtrisant parfaitement
le grec, il avait traduit des tragédies, telle Antigone de
Sophocle. Sous la pression du patriarcat grec, il est
emprisonné et banni à plusieurs reprises, envoyé jusqu’en Asie
Mineure où, sous la torture, par un coup de fouet, il perd un
œil, et meurt peu de temps après son retour en Macédoine. Le
« Géant » avait ouvert les portes du théâtre
macédonien, au prix de sa vie. Il est le représentant de la
première période du théâtre macédonien, désignée :
« période de la Renaissance ». Konstantin Miladinov[16]
(1830-1862) écrivit aussi de courts textes dramatiques dans
lesquels il dialoguait avec les phanariotes contre l'action
assimilatrice du Patriarcat. Pour Jelena Lužina, ces premiers
auteurs sont les fondateurs du théâtre du quotidien[17].
Le mouvement
révolutionnaire intérieur (Внатрешна
Македонска Револуционерна Организација : VMRO ou Organisation
Révolutionnaire Intérieure Macédonienne : ORIM), après sa
création en 1893, à Salonique, se servira du théâtre[18],
comme d’une tribune privilégiée au service du peuple
macédonien. Le théâtre est à la fois instrument pour exprimer
la vérité sur la vie du peuple macédonien dans sa langue mais
aussi pour l’éveiller à la révolution. C’est ce qu’on appelle
la période de la Saint Elie (deuxième période du
théâtre macédonien), en référence au soulèvement
révolutionnaire d’Ilinden (Saint-Elie, le 2 août 1903) et à la
création de la République de Kruševo, première république des
Balkans.
Les pièces créées jusqu'à
la fin du XIXème siècle n'ont pas de véritable
valeur artistique ni littéraire mais elles ont permis de
former un public et de le sensibiliser à l'art dramatique dont
le véritable fondateur sera Vojdan pope Georgiev-Černodrinski
(1875-1951).
Vojdan pope
Georgiev-Černodrinski[19],
en émigration à Sofia, en Bulgarie, depuis 1890 après avoir
été en Autriche et en Suisse, fonde en 1894 une première
troupe théâtrale constituée d'émigrants politiques et
économiques macédoniens dont l'activité était la récitation
puis la représentation de scénettes écrites par Černodrinski. Le 13 mai 1901,
Černodrinski crée une troupe théâtrale itinérante nommée Skrb i Uteha (affliction
et
consolation), considérée comme le premier théâtre national.
Comme la plupart des émigrés, il participait activement au
mouvement de libération de la Macédoine et était en contact
avec les révolutionnaires de l'Organisation Révolutionnaire
Intérieure Macédonienne (ORIM). Il éprouva la nécessité
d’écrire une pièce dont la langue et le sujet seraient
macédoniens afin d'agir plus efficacement pour la libération.
Il s’inspira d’un fait divers de l’époque paru dans le journal
Reformi et écrivit
en 1900 : Македонска крвава свадба (Les
Noces de sang macédoniennes), pièce en 5 actes[20].
Le thème de ce drame est aussi très présent dans la poésie
orale macédonienne. La pièce elle-même contient de la poésie
orale, les nombreux chants sont chantés non pas dans le but de
distraire le public mais dans l'objectif d'éveiller à la
révolution les Macédoniens avec leur patrimoine culturel oral
que chacun connaît et transmet de génération en génération[21].
Dans cette œuvre, les personnages sont nettement déterminés et
partagés de façon manichéenne en deux groupes ; l'un
représentant les bons, l'autre les méchants. Les bons sont les
chrétiens et en particulier les Macédoniens opprimés,
asservis, dominés par l’Empire ottoman, qui subissent
violences et injustices de la part des méchants qui sont les
représentants de l’Empire et non les Turcs seulement, car un
Turc paysan pouvait être du côté des opprimés. La pièce débute
avec des chants et des rires et se termine avec des pleurs et
un bain de sang, symbolisant de la sorte les conditions de vie
des Macédoniens sous l'Empire. L’affliction, c’était
la situation des Macédoniens. Bien qu’ayant activement
participé à toutes les luttes, insurrections et guerres de
libération des peuples balkaniques, ils restèrent, seuls,
sujets de l’Empire, lors même que tous les autres peuples
avaient gagné leur liberté et fondé leurs Etats. La consolation devait
venir de la libération de la Macédoine, de sa reconnaissance
et de la création de son Etat à travers la lutte
révolutionnaire. La pièce fut mise en scène avant même d’être
achevée, il y avait urgence, car c’était un combat.
Černodrinski était engagé dans la lutte révolutionnaire et son
engagement était dans la droite ligne de « Djinot »
et de son époque. Le jour de la première (7/20 novembre 1900)
à Sofia, des membres du VMRO armés, surveillaient l’entrée du
théâtre, les artistes étaient également armés. On ne
plaisantait pas. Le théâtre est un spectacle mais ce n’est pas
du spectacle. L’Etat bulgare aussi avait compris l’enjeu de
cette pièce d’où les interdictions. Elle s’inscrivait dans un
contexte politique bien déterminé, lui-aussi. Le public était
composé de l’émigration politique et économique (les pečalbari)
macédonienne. Elle remporta un très grand succès ; jouée
plus de 1000 fois en 20 ans. Elle ne sera montrée qu'en 1908
en Macédoine, à la faveur des Jeunes-Turcs. Un film fut
réalisé en 1967 par l'écrivain et scénariste Slavko Janevski.
Černodrinski a formé de nombreux acteurs qui créeront à leur
tour des troupes, par exemple Dimitar Hadji Dinev, auteur de
la pièce Револуционер (Révolutionnaire) ou Револуционерна драма (Drame révolutionnaire) et
la troupe Слобода
(Liberté), créée entre 1902
et 1903, qui sera dirigée par des auteurs/acteurs Matej T.
Hristov[22]
et Mihail Tomov. A cette génération appartiennent également
Marko Tsepenkov (1829-1920), le plus éminent collecteur de
tradition orale macédonienne, avec sa pièce : Црне Војвода
(Crne le Voïvode) écrite en 1903 sur
la base de la poésie orale Спиро Црне и Ќучук Сулејман (Spiro Crne et Ќučuk
Sulejman) ; le révolutionnaire Nikola Kirov Majski
(1880-1962), avec sa pièce Илинден (Saint Elie)
publiée en 1923 dans laquelle sera inséré pour la première
fois le Manifeste de
la République de Kruševo[23] ;
Dimitar Molerov (1874-1961)[24] et sa pièce Новиот
даскал (Le nouveau maître
d'école) ; Nikola Drenkov et sa pièce Духот на Македонија
(que l'on peut traduire par L'Esprit de la Macédoine
ou par le Fantôme de la
Macédoine[25])
publiée en 1931, etc.
Černodrinski est aussi l'auteur de la
première pièce de théâtre versifiée Срешта (Rencontre) en
un acte, terminée le 3 juin 1903 et représentée, pour la
première fois, comme une opérette, le 5 août 1903[26].
Cette pièce se présente sous la forme d'un dialogue, qui
s'apparente à une longue stichomythie et qui s'inspire
structurellement et thématiquement de la poésie orale
macédonienne.
Le 10 août 1913, à l'issue
des guerres balkaniques, par le Traité de paix de Bucarest, la
Macédoine est partagée en quatre parties : une partie revenant
à la Grèce [51,38 % du territoire, nommée par les
historiens : La Macédoine de l'Egée], une partie à la Serbie [38,4%
du territoire, nommée : La Macédoine du Vardar], une
partie à la Bulgarie [10,1% du territoire, nommée : La
Macédoine du Pirin ou de la Struma], une partie à l'Albanie
[0,12%, jamais citée par les historiens car considérée comme
négligeable par sa superficie. Je la nomme : La Macédoine
des lacs]. Les intellectuels macédoniens se (re)trouvent dans
les différentes parties. Le développement du théâtre
macédonien sera le plus significatif en Macédoine du Vardar,
devenue Serbie du Sud. Toutefois, la Bulgarie occupera les
territoires de la Macédoine durant les deux guerres
mondiales : 1915-1918 et 1941-1944.
En 1913[27],
Branislav Nušić fut nommé directeur du Théâtre serbe
nouvellement créé à Skopje par le royaume de Serbie. Le
régisseur était Milodrag Petković. La première représentation
fut jouée le 9.01.1914 : Цар Душан (Le Roi Dušan), une pièce serbe de Miloš
Cvetić. Malgré un incendie qui détruisit le bâtiment du
théâtre, le directeur mit tout en œuvre pour le reconstruire
mais, avec l'entrée de la Bulgarie et des forces centrales, il
dut quitter la Macédoine pour l'Albanie et n'y parvint pas.
Dans les autres villes comme Bitola, la direction avait été
donnée à M. Lazić et la première représentation eut lieu en
novembre 1913. Durant l'occupation bulgare le Théâtre
populaire de Sofia dirigé par Sava Ognjanov donna plusieurs
représentations d'auteurs classiques bulgares. A la fin de la
guerre, la Macédoine du Vardar redevint possession du Royaume
des Serbes, Croates et Slovènes. La reconstruction du théâtre
initiée en 1921 s'acheva en 1927. Il fut inauguré, de manière
symbolique, le jour de l'entrée de l'armée serbe à Skopje. Il
fut nommé Théâtre
national "Le Roi Alexandre 1er" - Skopje.
Plusieurs directeurs[28],
avec différentes conceptions du théâtre, se succédèrent mais,
de 1931 à 1945, Velimir Živoinović-Masuka (1886-1974), en
favorisant la représentation de pièces locales, jouera un rôle
déterminant pour le théâtre macédonien.
Ленче Кумановче (Lenka de Kumanovo) de
Vasil Iljoski (1902-1995)
fut la première pièce en langue
populaire macédonienne[29]
représentée dans ce théâtre durant la saison 1927/1928. Sous
la pression des autorités, elle sera retirée du répertoire
immédiatement après la première car sa représentation
rencontra un très grand succès auprès du public macédonien, ce qui contrariait le projet gouvernemental de « dénationalisation » des
Macédoniens.
De plus, elle était écrite en dialecte macédonien de Kumanovo.
Iljoski, enseignant au Gymnase de Kumanovo, en représailles,
sera envoyé à Plevlje, en Serbie, afin d'approfondir ses
connaissances de la langue serbe. Il importe de souligner que
les directeurs et les acteurs ne partageaient pas toujours cet
objectif. Et, grâce à leur soutien, le théâtre macédonien, en
langue macédonienne, put voir le jour sur cette scène. Notons
qu'à Štip, de 1923 jusqu'en 1927, avec des interruptions, un
théâtre et un opéra furent formés par l'intelligentsia locale
et par les élèves du Gymnase et surtout sur l'initiative de
Dušan Budimirović (1890-1959)[30],
homme de théâtre serbe, progressiste et investi d'une mission
éducatrice. Ce théâtre affichera à son répertoire des pièces
de Shakespeare, Molière, Tchekhov, Ibsen, d'auteurs serbes et
des pièces d'auteurs macédoniens telles : Македонка (Une
Macédonienne) de Slavko Netkov[31]
Маруша (Maruša) de Pavle/Vasil Adžikimov[32].
L'opéra et le ballet, qui débutent au XXème siècle,
sont directement liés aux activités des ensembles vocaux des
théâtres de Skopje, de Štip et, dans une moindre mesure, de
Bitola. Ces ensembles se développent avec le théâtre du
quotidien, appelé aussi « театар
со пеење» (théâtre avec
chants) ou « народна игра со пеење » (danse/jeu
populaire avec chants)[33].
Le théâtre du quotidien va nécessiter la formation de chœurs,
chanteurs, ensembles vocaux, et orchestres ainsi que la
fondation d'écoles de musique, dont la première sera ouverte à
Skopje en 1910. Le théâtre de Štip, grâce à la présence et au
talent musicaux de Sergie Mihajlov (1885-1975), d'origine
russe, et à l'action éducatrice de Dušan Budimirović et de
Slavko Netkov, mettra en scène l'opéra Makedonka, avec la
première chanteuse d'opéra macédonienne : Blagorodna
Burova (1910-1980).
Une légère amélioration des
conditions du théâtre de Skopje, huit années plus tard, saison
1936-1937, permettra le retour sur la scène de la pièce de
Vasil Iljoski, Ленче
Кумановче, sous un nouveau titre : Бегалка (La
fugitive). La direction du théâtre alla jusqu'à inviter
Iljoski à traduire sa pièce Чорбаџи Теодос
(Teodos le bourgeois) en parler de Skopje, c'est-à-dire en
macédonien, alors qu'il l'avait écrite en serbe [Нагазио човек][34],
pour être jouée le 27.04.1937. Le 3.03.1936, le drame Печалбари (Les
Pečalbari) d'Anton Panov(1905/6-1968) sera présenté. Cette
pièce traite de la pečalba,
le thème le plus sensible pour la population macédonienne[35].
C'est pourquoi la plupart des auteurs de cette période
écriront une pièce traitant ce thème. La poésie orale qui sera
largement utilisée pour ce théâtre possède un cycle très riche
de poèmes abordant cette thématique. Ces poèmes sont bien
connus des Macédoniens et encore chantés de nos jours. La
pièce de Panov rencontra un extraordinaire succès. Elle attira
au théâtre des Macédoniens de toutes les conditions sociales.
Elle sera aussi la première pièce macédonienne à être jouée en
dehors de Skopje ; à Belgrade et dans plusieurs grandes
villes de la Yougoslavie. Fin
1938,
fut jouée la
première de Парите се отепувачка
(L'argent est un meurtre) et, en 1940, les premières de Антица (Antica) et Милиони маченици (Des
millions de martyrs), de l'auteur autodidacte Risto Krle
(1900-1975)[36].
Toutes ces pièces relèvent de la période de
« l'entre-deux-guerres », ou encore période de
« Racin »,
du nom du grand
poète Kočo Racin (1908-1943)[37]. Elles présentent les
mêmes caractéristiques et sont désignées : « битови
драми » (drames du quotidien) ou « битово-социјални
драми » (drames sociaux-existentiels). Le mot
« Бит » (bit) signifie :
« existence », « vie ».
Jelena Lužina[38],
théoricienne du théâtre, spécialiste du théâtre du
« quotidien », constate que ce théâtre est considéré
par la critique littéraire comme de la littérature et non
comme un art de la représentation (art scénique), fait pour
être vu par un public. Par conséquent, les critères utilisés
habituellement pour l’analyse du théâtre sont des critères
relevant de la théorie littéraire et non de la théorie
théâtrale. Or, le théâtre de « l'existence » ou du
« quotidien » est pensé et écrit dans le but
exclusif d'être joué sur scène devant un public ciblé. Ce sont
des pièces sur « la vie du peuple, en langue populaire, dans
la tradition populaire, avec, comme éléments structuraux
fondamentaux, des chants et des danses populaires[39].»
Sur une scène composée de
quatre murs, telle une boîte ou une maison, seul le mur face
au public est considéré « transparent », pour
permettre aux spectateurs de voir la scène à laquelle ils
doivent s'identifier tant elle ressemble à la réalité
quotidienne. Ces pièces veulent copier la vie pour la
transposer sur la scène et donner l'illusion d'immédiate
réalité, d'immédiate vérité, au spectateur. Ne sont données à
voir que des scènes de la vie quotidienne, ou des scènes de
guerre (bataille, insurrection, révolte, etc.) - laquelle,
compte tenu de son caractère répétée dans l’espace balkanique,
est une autre forme de quotidien -, ce qui explique que l'on
décrit ce théâtre comme orné de chants, de danses et de coups
de feu. L'auteur choisit de parler d'un ou de plusieurs
événements connus et/ou vécus par les spectateurs qui seront
toujours accompagnés de rites, de coutumes, de danses
populaires, de chants, de musique (sur des instruments
populaires), de proverbes, voire de documents historiques, par
exemple l'insertion du Manifeste
de Kruševo dans la pièce Ilinden de N. Kirov-Majski. La pièce
s'ouvre toujours sur un chant et des danses et se termine de
la même façon.
Ce théâtre concerne
l'immédiate condition sociale du peuple macédonien, d'où sa
deuxième désignation : « битово-социјални
драми » (théâtre socio-existentiel). En effet, il s'agit
de mettre en scène des représentations sociales d'un monde qui
est pris dans son mouvement quotidien et dans sa structure
sociétale. En l'occurrence la société traditionnelle
patriarcale avec ses règles, ses croyances, ses coutumes, son
expression culturelle, sa tradition orale, son artisanat et sa
créativité. Ce théâtre a très peu de valeur littéraire car il
se veut une photographie du quotidien ; un cliché ou bien un
instantané. Sa valeur réside dans la justesse sociologique et
historique, mais aussi dans les éléments ethnographiques et
folkloriques qui sont fidèlement transcrits.
Un théâtre de la vie
populaire dont l'action se passe en milieu rural, mais aussi
en milieu urbain pour les pièces de la dernière période du
genre, en langue populaire macédonienne dont la tradition
orale, en particulier la poésie orale, a préservé les formes
les plus archaïques des différents dialectes et parlers. En
situation de domination (successives, puisque de l'Empire
ottoman, les Macédoniens sont intégrés dans des Etats qui
pratiquent à leur encontre une politique d'assimilation et
d'acculturation), l'utilisation de la langue interdite est un
acte de rébellion. L'idée étant que la reproduction fidèle de
la vie nécessite l'utilisation de la langue parlée par les
hommes et les femmes de ces lieux. La langue restant fermement
attaché au milieu qui la produit et l'utilise. Officiellement,
ces pièces étaient produites avec comme indication :
pièce jouée en « dialecte serbe du sud ». Ceci aura
pour conséquence, dans les études futures, de prendre pour
scientifique cette indication alors qu'elle servait de
censure. A l'instar de l'église chrétienne qui, ne pouvant
faire disparaître certains rites païens profondément ancrés
dans les habitudes et les croyances des Slaves, dut se les
approprier en les transformant en rites chrétiens. Quant aux
écrivains macédoniens, émigrés en Bulgarie et en Serbie, de
langue bulgare ou serbe, lorsqu'ils écriront du théâtre de
l'existence, utiliseront la langue macédonienne, si ce n'est
dans toute la pièce, du moins, et obligatoirement, pour les
chants populaires enchâssés. En effet, dans toutes ces pièces,
quelle que soit la langue d'écriture de l'écrivain, instruit
par les différentes écoles des différentes propagandes, les
nombreux chants utilisés dans ses œuvres dramatiques seront
toujours en langue macédonienne[40].
Ces pièces se construisent
sur quelques sujets types : tout empêchement à la réalisation
d'un amour heureux ; toutes les variantes de conflits
sociaux ; toutes les variantes de conflits éthique et
ethnique ; toutes les variantes de constructions d'un
enchevêtrement de difficultés qu'il sera intéressant de
démêler dramatiquement, selon des matrices archaïques :
blanc-noir, dominé-dominant, riche-pauvre, juste-injuste,
bien-mal, vie-mort, etc[41].
Les scènes ou les tableaux
sont toujours proches du public et immédiatement identifiables
par le plus grand nombre de spectateurs. L'auteur instaure de
la sorte une proximité avec le public. Il cherche
l'implication totale du spectateur dans l'histoire par un
phénomène de communion, d'amalgame. Tout semble imbriqué, lié,
entre l'écrivain, le milieu et les spectateurs. Il utilise une
intonation mélodramatique et sentimentale. Ces pièces sont
soit des mélodrames soit des comédies légères ou historiques.
Cette intonation mélodramatique provoque une rapide
identification émotionnelle chez les spectateurs. En jouant
sur l'émotion (rires-pleurs), il cherche l'adhésion complète
du spectateur au message portée par la pièce. Dans le rire,
les pièces sont attrayantes, dans les pleurs, elles suscitent
des émotions fortes. Rires
et pleurs devient le nom d'une troupe théâtrale bulgare,
explique L. Lužina[42],
où Vojdan Černodrinski, le plus populaire des dramaturges du
genre, se formera quelques temps.
Toutes les pièces
appartenant à ce genre s'assurent la même réception : rapide à
identifier, simple à comprendre et sans surprise dans leur
dénouement. Ce qui a beaucoup contribué à leur popularité. Une
réception réussie durant toute la période du genre, par tous
les âges, indépendamment de l'expérience, de la culture ou du
niveau social. Pour les spectateurs qui habitaient à la
périphérie loin de les décevoir, il gagnait leur admiration et
gagnait en popularité. Quant à ceux qui venaient de quitter
leur campagne pour la ville, ils éprouvaient la nostalgie des
lieux abandonnés, de leur milieu et des événements de leur
enfance dans le milieu rural.
D'une pièce à l'autre se
construit une continuité, une unité, une expérience, une
typologie des personnages et des situations, des événements,
des métiers, des noms, des coutumes, des danses et des chants
populaires, ainsi qu'un public fidèle, nombreux et exigeant,
qui veut retrouver dans chacune des pièces tous les éléments
constitutifs du genre. J. Lužina remarque que le metteur en
scène est aussi le même : il s'agit de Josif Srdanović.
Ce théâtre se veut si
proche de l'homme « ordinaire » que ce dernier pense
pouvoir l'écrire tant il est partie intégrante et constitutive
de ce théâtre. De plus, si un cordonnier, un plâtrier, ou
autre artisan, a réussi à écrire une pièce sur la vie
quotidienne, rien n'empêche l'homme du commun de le faire
également. Ecrire une pièce de théâtre du même genre devient
une « obsession nationale », dira Aleksandar
Aleksiev, théoricien de la littérature macédonienne. Quant à
Slobodan A. Jovanović, dramaturge, lecteur des pièces
proposées au théâtre de Skopje, il témoigne de la pression
exercée par les écrivains-amateurs pour que leurs pièces
soient acceptées et jouées sur la scène du théâtre nationale.
De même, il témoigne d'une pétition de peintres en bâtiments
qui protestent contre le refus de mettre en scène une pièce de
l'un de leurs collègues[43].
Pour J. Lužina[44],
le genre débute en 1848 et s'achève vers 1950, peu après la
création de la République de Macédoine au sein de la
fédération socialiste yougoslave. Les auteurs de théâtre du
quotidien continuent à produire et à mettre en scène leurs
pièces. Cependant, la fondation de l'Etat semble avoir rendue
inutile la lutte pour la reconnaissance de l'existence du
Macédonien que représentait ce théâtre. Ce théâtre se termine
comme il a commencé avec des pièces d’un acte. Dans l'état
actuel de la recherche, il regroupe environ 50 auteurs et 140
œuvres. Peu d'œuvres théâtrales ont été mises en scène. La
recherche relative à ce domaine nous livre régulièrement de
nouvelles œuvres et nouveaux auteurs. Malgré l'existence
parallèle d'autres genres de théâtre, durant cette période,
ceux-ci ne réussirent pas à attirer le public, complètement
fasciné par le théâtre de la vie quotidienne.
Cette fascination pour le
théâtre du quotidien est due à plusieurs facteurs. L’une des
principales raisons est l’affirmation de l’existence du peuple
macédonien, en réponse à sa négation répétée, d’où le nom
donné à ce théâtre qui peut aussi être traduit par le théâtre
« de l’existence ». L’insertion des formes brèves,
en l’occurrence ici la poésie orale, suggère le caractère
continu, éternel, de l’existence du Macédonien. Le drame
commence sur la scène, avant même le lever du rideau, avec le
chant populaire que l’on entend et que l’on identifie
immédiatement non seulement par la langue mais aussi par la
référence culturelle séculaire qu’il représente. Ce chant
populaire, connu de tous, est associé au « oro », la
danse qui l’accompagne, une ronde qui unit par le même lien
les humains appartenant à ce peuple. Le rideau se lève ensuite
sur une scène à forte connotation métaphorique : des
champs qui n’attendent que la fenaison, aussi pérennes que le
peuple qui les cultive. Là vivent des Macédoniens, sur leurs
terres et sous leurs cieux ; ils sont laborieux,
modestes, bons et prêts à sacrifier leurs vies pour défendre
leurs biens et, avant tout, leur honneur. Selon la synthèse de
Lužina parlant du théâtre de V. Černodrinski :
« Depuis toujours et pour toujours[45] ».
Le
signe de la durée dans le temps, de la continuité historique,
de la linéarité temporelle qui instaure la chronologie, est
précisément inscrit dans la poésie orale et la danse
populaire. Dans ce décor qui symbolise la continuité, l’auteur
se focalise sur un segment de la totalité considéré comme une
étape de la vie du peuple. Il choisit de présenter un
événement qui marque la rupture. Le ciel serein s’obscurcit
subitement annonçant de « noirs événements » :
l’arrivée des Turcs, le rapt d’une jeune fille, etc. Cet
événement n’est pas l’élément porteur de sens même si tout le
drame semble dépendre de lui. L’événement fonctionne comme
révélateur de l’existence d’une communauté. Il est le négatif
qui, tout en voulant nier, atteste ce qu’il refuse.
La poésie orale, en tant
que forme brève, est ici le « dit mémorable », qui
s’apparente à une formule sentencieuse ou à une citation,
porteuse d’une vérité commune : « La formule
sentencieuse énonce une vérité commune à double
titre : par son extension, puisque cette vérité vaut pour
une communauté ; par son énonciation,
puisqu’elle est dans toutes les bouches, assumée et proférée
par une communauté[46]. »
L’effet
de vérité est produit par le caractère commun des formules, et
l’effet d’unanimité est marquée par l’énonciation
collective : la gnômé.
Selon A. Compagnon[47],
le général n’est pas seulement exprimé dans le contenu de la
proposition mais aussi dans la communauté qui la soutient et
s’y reconnaît : la doxa.
La poésie orale est le patrimoine commun qui recèle une vérité
commune. Tout en identifiant une communauté, elle légitime son
existence : « Le général de l’énonciation et le
général de l’énoncé se confirment ou se légitiment
mutuellement[48] ».
Plus que tout autre genre
oral, la poésie préserve et pérennise la langue dans ses
formes premières ce qui atteste de son ancienneté ainsi que de
celle de la langue. La poésie fonctionne comme la preuve que
la langue macédonienne existe depuis « toujours »,
qu’elle s’est transmise de génération en génération par les
formes orales communes. En tant que formule sentencieuse ou
citation, elle appartient à la tradition rhétorique et par là
conserve une « trace de [son] acception juridique :
de même qu’une citation
à comparaître est l’acte par lequel l’orateur
judiciaire, accusateur ou défenseur, appelle à la barre un
témoin susceptible, parce qu’il fait autorité, de
corroborer son argumentation, de même une sentence (verdict) a
pour elle l’autorité de
la chose jugée, elle a donc vocation à faire jurisprudence
(à se trouver alléguée pour trancher d’autres causes)[49]. »
Sous
domination ottomane, le théâtre du quotidien par l’usage de la
langue macédonienne lutte à la fois contre les Ottomans et
contre l’église grecque qui ne concevait pas d’autre langue
d’église, d’éducation et de commerce que le grec et qui
considérait tout chrétien comme Grec. Sous domination serbe,
dans le Royaume serbe, croate et slovène, le théâtre du
quotidien utilise la langue macédonienne pour lutter contre
l’assimilation et la négation du peuple macédonien. Quand les
dramaturges sont contraints d’utiliser le serbe, la poésie
populaire enchâssée dans le texte demeure toujours en langue
macédonienne, comme une forme figée qu’il est impossible de
transformer. La poésie orale, à la fois tout et partie, peut
se lire de deux manières : « comme parole absolue,
indépendante et se suffisant à elle-même, mais aussi comme
élément d’une série dans laquelle elle est prise et dans
laquelle elle est susceptible de faire entendre un autre sens,
un autre son[50]. »
L’enchâssement de la poésie
orale dans le texte théâtral instaure une multiplication de
cassures ce qui oblige le spectateur à jouer un rôle actif
dans l’élaboration du sens. Ces ruptures servent également à
« éveiller » les spectateurs, qui sont
principalement des Macédoniens, pour les amener à la révolte
contre l’ordre établi ; le théâtre servant d’arme de
combat. Le théâtre du quotidien se veut le miroir de la
réalité, de la vie, au quotidien, or, cette réalité n’est
qu’une illusion, elle n’a d’existence que sur la scène. Le
spectateur sait que ce qu’il voit n’est pas la vie réelle mais
une représentation de ce que sa vie a été et pourrait être
sans la domination et sans la négation. Le drame est vu comme
un révélateur et non une imitation de la vie. Le drame révèle
que ce que vit le Macédonien n’est pas sa vie mais sa mort.
Aussi, par le théâtre, est-il amené à s’interroger sur son
existence et sa possible transformation. Le théâtre du
quotidien n’est pas une imitation mais un acte créateur qui
raconte, narre, commente et tente de transformer la vie. En
effet, ce n’est qu’à travers le théâtre et sur la scène, cette
boîte composée de quatre murs protecteurs, que le Macédonien,
en tant que spectateur, peut se remémorer et rêver d’une vie
libre en tant que Macédonien parlant sa langue, pratiquant ses
coutumes, ses rites, vivant ses désirs amoureux, se
confrontant courageusement à ses conflits, à l’ennemi, à
l’envahisseur, etc. Il peut, à travers la poésie orale, ce dit
mémorable porteur d’une réalité passée, avoir et donner à voir
la preuve de son existence et de l’existence de sa langue.
Durant la Seconde Guerre
mondiale, c'est-à-dire la période de l'occupation bulgare et
allemande, pour la lutte de libération nationale (НОБ/Народна
ослободителна борба), les Macédoniens utilisent de longs
textes poétiques appelés Врапчиња (Passereaux),
un moyen privilégié d'action,
de subversion et de
dérision. Pour leur création sont reprises des mélodies
simples et entraînantes tirées de chants populaires célèbres,
accompagnant un texte sur l'actualité du front qui met en
avant les victoires des alliés et les défaites de l'ennemi,
épicée de moqueries à l'adresse de l'état major de l'armée de
l'occupant et des représentants de leurs gouvernements. Ces
poèmes contiennent de nombreux éléments dramatiques. Tout
comme le théâtre du quotidien, ils se fondent sur les chants
populaires, reprenant des vers, voir des strophes entières,
ainsi que la mélodie. Ces créations, à l'instar du théâtre du
quotidien, sont une arme pour la lutte contre l'ennemi et la
libération nationale. Voislav Jakovski, analysant ce genre
poétique, souligne ce caractère d'arme indestructible qui
porte leur lutte et leur message au-delà des obstacles
infranchissables dressés par les forces ennemies[51].
Ce genre n'aura duré que le temps de la lutte, tout comme le
théâtre du quotidien.
Le 8 septembre 1991, la
fondation de la République de Macédoine, Etat indépendant et
souverain, a réactivé la question de la reconnaissance des
Macédoniens. Le différend[52]
avec la Grèce, sur le nom de l'Etat, réactualise la question
de l'identité. Le théâtre[53]
est particulièrement présent et les dramaturges contemporains,
tels Goran Stefanovski[54],
Dejan Dukovski[55],
Jordan Plevneš[56],
font revivre dans leurs œuvres les fondateurs du théâtre du
quotidien, principalement Vojdan Černodrinski, et avec eux le
questionnement sur l'identité macédonienne tout en
s'inspirant, à l'instar de ce théâtre, de la poésie orale.
Frosa Pejoska-Bouchereau -
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[1] Nous utiliserons
indifféremment l'expression : « poésie orale »
ou « chant populaire » pour traduire le
macédonien « народни песни » [narodni pesni]. « Песна/и » [pesna/i]
signifie : « chant » et « poésie ».
[2] Ристе Стефановски, Театарот во Македонија (Le théâtre en Macédoine), Македонска книга,
Скопје, 1976, p.21-24.
[3] Guzla ou Gusla,
instrument à cordes, sorte de violon. En Macédoine, cet
instrument ne comporte qu’une corde tendue au-dessus d’une
peau que l’on fait vibrer avec un archet. Il accompagne
les chants populaires.
[4] Ibidem, p.22. Sur
le territoire de la Macédoine, où s'est installée une
partie des Slaves, ont été retrouvés de nombreux
amphithéâtres datant de l'époque de Philippe et
d'Alexandre de Macédoine. Ces amphithéâtres attestent
l'existence d'une culture théâtrale très riche. A Pella,
capitale de l'Empire macédonien, étaient célébrées les Bacchanales
et danses dionysiaques, qui sont à l'origine du théâtre.
Pour les liens entre le théâtre des Slaves macédoniens et
le théâtre des Macédoniens de l'Antiquité, voir : Јордан
Плевнеш, Бесовскиот
Дионис, 1989, http://makedonija.rastko.net/ On
consultera aussi cet ouvrage pour le lien avec les
théâtres des Balkans et de la Russie.
[5] Cf. Pejoska-Bouchereau,
Frosa, 2003, « Clément d’Ohrid et l’école littéraire
d’Ohrid », in Histoire
de la slavistique, Le rôle des institutions, sous la
direction d’Antonia BERNARD, Institut d’Etudes Slaves,
Paris, pp.249-262 et Pejoska-Bouchereau, Frosa, 2008,
« Histoire de la langue macédonienne »,
in : Bernard Antonia, Communications de
la délégation française au XIVe Congrès international
des slavistes Ohrid , 10-16 septembre 2008, Revue des Etudes Slaves,
tome 79, Fascicule 1-2, Paris, pp.145-161.
[6] Le mot
« Rousalija » a été formé à partir du mot
vieux-slave « rouslo » qui signifie
« fleuve », « lit d'un fleuve » et non
« rous » qui signifie « rouge ». Cf. Ристе Стефановски, 1976, op. cit. p.22.
[7] Cf. Marko Kitevski,
« Les coutumes festives macédoniennes », in L’ethnologie de la
Macédoine, Académie des Sciences et des Arts,
Skopje, 1996, pp 223-246.
[8] Ристе Стефановски, 1976, op. cit. p.22-24.
[9] Васил Иљоски, „Печалбата во животот и народната песна“ (La pečalba dans la vie et les chants populaires), Izbor, T.3, Македонска книга, Скопје, 1978, p.285.
[10] Cf. Eve
Feuillebois-Pierunek, «Panorama du théâtre
turc», in http://www.youscribe.com/catalogue/rapports-et-theses/savoirs/sciences-humaines-et-sociales/panorama-du-theatre-turc-1525978. Cf
aussi Eyten ER, « Qu'est-ce que l'orta-oyunu? », sur le
site:
http://www.revues-plurielles.org/_uploads/pdf/12_87_7.pdf
Notons
qu'en 2012, pour la première fois, au grand étonnement du
public, une œuvre arménienne de l'écrivain Hagop Baronian
: «
Le dentiste oriental »,
écrite en 1869, fut jouée dans un théâtre turc à Istanbul.
La directrice artistique du
théâtre, Ayşenil Şamlıoğlu,
évoque l'importance des Arméniens dans la fondation du
théâtre turc: «Les Arméniens sont aux fondements du
théâtre turc... Nous devons revendiquer notre passé si
nous voulons avancer.» Cf.
Anne
Andlauer,
« "Le dentiste oriental", la
première œuvre arménienne dans un théâtre turc », Créé le 2012-01-25
13:50, publié sur RFI (http://www.rfi.fr).
[11] Cf. Ристе Стефановски, 1976, op. cit.,p.25-28.
[12] VAN GENNEP Arnold, Textes inédits sur le
folklore français contemporain, présentés et
annotés par Nicole Belmont, Archives d'ethnologie
française 4, collection dirigée par Jean Cuisenier, G.P.
Maisonneuve et Larose, Paris, 1975. p115-119
[13] Ibidem,
p.118-119.
[14]Le janissariat,
l'impôt du sang, est un phénomène qui consiste à faire des
levées annuelles d'enfants males chrétiens. Ces rapts
d’enfants vont priver les populations chrétiennes de leurs
enfants males, les meilleurs, les plus valides et les plus
intelligents, créant de la sorte une situation
anti-sociale dans la société patriarcale traditionnelle.
Cf. Frosa Pejoska-Bouchereau, « Le janissariat ou Au
nom de l’Empire, au nom de la Nation, au nom du Parti, au
nom de la Race ! » in « L’image
de
la période ottomane dans les littératures
balkaniques », dir. Frosa Pejoska-Bouchereau, Cahiers Balkaniques
n°36-37, Publications Langues O’, Paris, 2010, pp.137-179.
Consultable sur : http://ceb.revues.org/
[15] Au début du XXème
siècle, à Skopje, sur 4474 maisons et 31 900
habitants, nous avons 15 000 Ottomans, 13 000
Macédoniens, 1 920 Romes, 800 Juifs, 950 autres, 150
Albanais chrétiens, 50 Grecs et 30 Tcherkesses. Cf. Ристе Стефановски, op. cit., p.33.
[16] Avec son frère Dimitar
Miladinov (1810-1862), il publie un recueil de chants
populaire Б’лгарски народни песни (1861) et compose 15
poèmes, dont Т'га
за југ (Nostalgie du sud), dont il existe 70 traductions
en 42 langues et qui ouvre chaque année le festival de la
poésie de Struga, sa ville de naissance. Malgré le petit
nombre de poèmes, il est considéré comme le fondateur de
la poésie « littéraire » macédonienne.
[17] Јелена ЛУЖИНА, Историја на
македонската драма. Македонската битова драма
(Histoire du théâtre macédonien. Le théâtre macédonien du
quotidien), Култура, Скопје, 1995.
[18] Les représentations des
pièces de théâtre se faisaient aussi dans les écoles, à
Skopje, Salonique, Bitola, Štip, cette dernière ville
étant le bastion du VMRO. Les metteurs en scène, les
acteurs sont des leaders du mouvement
révolutionnaire : Goce Delčev (1872-1903), Damian
Gruev (1871-1906). Les pièces sont appelées « Pièces
révolutionnaires ». Damian Gruev fondera, en
1891/1892, une troupe de théâtre composée d'instituteurs
amateurs, dans son village natale : Smilevo. De là est née
la tradition des représentations théâtrales à Smilevo. Cf.
Ристе Стефановски, op. cit., p.38.
[19] Černodrinski est un
pseudonyme qui signifie : Drim Noir, nom d'un fleuve
de Macédoine qui traverse la ville de Struga. Černodrinski
étant considéré comme le fondateur du théâtre macédonien,
un festival de théâtre portant son nom a lieu tous
les ans à Prilep, en juin.
[20] En décembre 1900, à Sofia,
la pièce sera publiée à compte d'auteur. Le second tirage
est publié en 1907. Le troisième tirage, en 1928. Une
publication sera faite par la diaspora macédonienne en
Amérique vers l'année 1936. En Macédoine, la première
édition date de 1969.
[21] Cf. Миодраг Друговац, Историја на Македонската книжевност хх век (Histoire de la littérature
macédonienne XXe siècle), Миска, Скопје, 1990, p.57.
[22] Ce dernier a réalisé une pièce : Робство и свобода
(Servitude et Liberté), cf. МиодрагДруговац, Македонска литература
(од Мисирков до Рацин) (La littérature macédonienne
de Misirkov à Racin), Просветно дело Скопје, 1975, p. 66.
[23] Le Manifeste de
Krusevo, traduction française Frosa
Pejoska-Bouchereau, in Cahiers Balkaniques
n°36-37, op. cit.,
p.133-137. Cf. aussi Кочо Топузоски, Никола Карев 1877-1905, Матица Македонска, Скопје, 2008.
[24] Cf. Димитар Г. Молеров, приредил
Васил Тоциновски, Мисла, Скопје, 1993.
[25] A l'instar de Černodrinski
qui écrit Духот на слободата, en 1909. Cf. Despina
Angelovska, «La réprésentation de l'insurrection d'Ilinden
dans les pièces Ilinden,
de Nikola Kirov Majski, et Le fantôme de la
liberté, de Vojdan Černodrinski», in Cahiers Balkaniques,
«L'image de la période ottomane dans les littératures
balkaniques» dir. Frosa Pejoska-Bouchereau, n°36-37,
Paris, 2010, p.119-131.
[26] Première opérette
macédonienne.
[27] Pour cette période, voir Русте Стефановски, op. cit.,
p.48-49.
[28] Andrija Milčinović, Brana
Cvetković, Radivoe Karadžić, Brana Voinović. Cf. Riste
Stefanovski, op.cit,
p.51.
[29] La langue macédonienne
n'avait pas été standardisée. Elle le sera avec la
création de l'Etat macédonien au sein de la fédération
yougoslave.
[30] Cf. Лилјана Мазова, Под разно од а до ш [Varia, de a à z], СИЛСОНС 2008, publié sur le site
http://www.rastko.rs/cms/files/books/4c2948964f000.
[31] La pièce, qui deviendra un opéra, a été écrite par Netkov et Budimirović.
[32] Aleksandar Aleksiev, «Préface» de Македонската драма
меѓу двете светски војни, книга 1 (Le théâtre
macédonien entre les deux guerres),Македонска книга,
Скопје, 1976,
p.11.
[33] Nous retrouvons le mot «igra» que nous avions dans les besovski igri (danses/jeux diaboliques).
[34] Cf.Македонска
драма меѓу двете светски војни, книга 1, op. cit., p.12.
[35] Cf. Frosa Pejoska-Bouchereau, « L’émigration macédonienne (La Pečalba) : une nouvelle forme d’initiation ou Du fait social à la coutume », in : Littérature et Emigration, Paris, Institut d’Etudes Slaves, 1996, pp.41-59.
[36] Outre ce théâtre national,
à Skopje deux amis Dimtar Trajkovski et Petre Prličko
forment une troupe théâtrale itinérante du nom de Сината птица
(L'oiseau bleu), renommée peu de temps après, Боем (Bohème) avec pour directeur
Petre Prličko (Perica P. Alekcić, originaire de Veles).
Dimitar Trajkovski a commencé son activité théâtrale avant
la Première Guerre mondiale. Le répertoire de cette troupe
était composé d'auteurs serbes et macédoniens. Parmi les
auteurs macédoniens, figurent Anton Panov et Risto Krle. Cf. Riste Stefanovski, op.cit.,
p.58-60.
[37] Aleksandar Spasov, Koco Racin, éd.
Unesco,
Paris, 1986. Cf. aussi :Kosta Ratsine, Les aubes blanches,
adaptation française Djurdja Sinko, Jean-Louis Depierris,
éd. Revue macédonienne, Skopje, 1975.
[38] Јелена Лужина, Историја на
македонската драма. Македонската битова драма
(Histoire du théâtre macédonien. Le théâtre macédonien du
quotidien), op. cit.
[39] J. Lužina, op. cit., p.49.
[40] Томо Смиљаниќ Брадина, Маќедонски печалбари
(Les pečalbari macédoniens), 1927.
Анѓелко Крстиќ, Заточници (Les éxilés). 1937.
Ainsi que les œuvres de
Dimitar Molerov.
[41] J. Lužina, op. cit., p.23.
[42] Ibidem, p.138.
[43] Ibidem, p.139.
[44] Ibidem, p.126.
[45] J. Lužina,op. cit., p.205.
[46] Bernard Roukhomovsky, Lire les formes
brèves, éd. Nathan, Paris, 2001, p. 63.
[47] Ibidem.
[48] Ibidem.
[49] Ibidem, p.70-71.
[50] Ibidem, p.8.
[51] Воислав Јаковски, Фолклорот во
македонската драма (Le folklore dans le drame
macédonien), Скопје, 1983, p.25.
[52] Le 8 septembre 1991, par
référendum, la Macédoine déclare son indépendance. Dès
lors, elle rencontre de nombreuses difficultés pour sa
reconnaissance. Sous la pression de l’Etat grec, elle doit
changer son drapeau, sa constitution (qu’elle devra aussi
changer avec la signature de l’Accord cadre d’Ohrid, le 13
août 2001, après le conflit avec les Albanais) et utiliser
une appellation provisoire : L’ancienne république
yougoslave de Macédoine (ARYM) ou The former Yugoslav
Republic of Macedonia (FYROM, en anglais), prévue
initialement pour les seules fins de l’ONU, elle a été
ensuite adoptée par d’autres organisations internationales
et Etats. Ce différend concernant le nom du pays n’a
toujours pas été réglé car la Grèce considère que le nom
« Macédoine » appartient à son héritage
historique et s’oppose à son utilisation par la République
de Macédoine, ce qui freine l’entrée de la République dans
l’Union Européenne. Soulignons que ce type de différend
n’a pas de précédent. La République de Macédoine est
candidate à l'adhésion à l’Union européenne depuis le 22
mars 2004, statut reconnu par le Conseil européen du 17
décembre 2005. Il faut souligner que ce différend
conditionne l’avenir de la Macédoine et cela malgré les
128 Etats qui l’ont reconnue sous son nom constitutionnel.
Ces changements constitutionnels, ces compromis, cet
négation du nom de l’Etat mais aussi de la langue, de la
culture, de l’histoire et de l’identité, en d’autres mots,
de la macédonité, ont été mal perçus par la population
mais également par les intellectuels qui considèrent cette
situation comme un ethnocide continu.
[53] Les éditions l'Espace d'un instant
ont publié plusieurs œuvres théâtrales macédoniennes.
[54] Cf. Чернодрински се враќа дома, /Černodrinski revient à la
maison, 1991.
[55] Cf. Балканот не е мртов или магија Еделвајс /Balkan's not dead, 1992. Dejan Dukovski, Baril de Poudre,
Balkan's not dead,
L'autre côté,
L'espace d'un instant, 2006.
[56] Cf. Последниот ден на Мисирков/ Le dernier jour de Misirkov, 2003.
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