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Lou Rodou Nissart est une troupe de théâtre fondée en 1977 par
Raoul Nathiez et des élèves du collège Roland-Garros. Lou
Rodou n’a cessé de jouer depuis, soit des textes d’auteurs
comme Jouan Nicola (Pètou lou Rachou…), soit des
adaptations poétiques d’auteurs contemporains tels Alan
Pelhon, mais aussi des textes de tradition orale comme Lou
Presèpi, sans oublier ceux de son fondateur Raoul Nathiez (39-40,
Lou Pichin Tournet, L’enfant dau betun…) ou de
son successeur à l’écriture et à la présidence, Steve Betti,
avec des pièces comme La Rosa, La Sabatièra ou
Recordansa. Lou Rodou Nissart se produit ainsi depuis
vingt-cinq ans dans tout le Comté et même au-delà. Il est
toujours en évolution, incorporant notamment de jeunes
nissardophones tentés par le théâtre. De 2000 à 2004, Steve
Betti a conduit la troupe tout en lui offrant de nouveaux
textes enrichissant le patrimoine culturel niçois. En
2004-2005, avec son nouveau président, Serge Chiaramonti, Lou
Rodou a repris Lou Presèpi dans une nouvelle mise en
scène de Daniel Damase. Cet exposé rendra hommage à Raoul
Nathiez, qui nous a quittés en 2013.
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Lou
Rodou est naît, sous l’impulsion de Raoul Nathiez son vrai
fondateur dans les années 70.
Raoul
était professeur de mathématiques et de technologie au collège
Rolland Garros à Nice quand il put mettre en place des cours
de Nissart accompagné dans cette aventure de son ami et
collègue Roger Gasiglia, professeur de lettres modernes ainsi
que d’histoire et de géographie : c’était en 1973.
Les
cours s’adressaient aux élèves volontaires pour découvrir ou
entretenir cette langue de la famille Oc encore bien ancrée
alors dans Nice. Il fallait vraiment être volontaire car les
cours étaient dispensés en toute fin de journée de 17h à 18h
une à deux fois par semaine, mais la gageure à pris et a duré.
À cette époque le collège Rolland-Garros était le seul
établissement scolaire avec le collège Antoine-Risso à
proposer cette option qu’on n’appelait pas encore ainsi.
C’est
cette activité nouvelle qui a, non seulement amené beaucoup
d’élèves curieux et heureux d’approfondir cette langue qu’ils
entendaient chez eux ou au-dehors et a progressivement donné
l’idée à Raoul Nathiez d’aller au-delà des simples cours qui
très vite ont été baptisés « le cercle niçois ».
En
remettant les choses dans leur contexte, il faut rappeler que
depuis des années tout le monde été habitué à penser qu’une
langue régionale était forcément une langue de sous-catégorie,
abâtardie par le vulgaire dans le mauvais sens du genre et
qu’il ne convenait absolument pas d’employer et encore moins
dans le milieu scolaire même si une loi depuis 1950 allait
dans le contraire de cet ancrage, résultat d’une intégration
farouche du français menée à marche forcée par la III°
République française.
Aussi
il y avait un peu un parfum d’interdit qui faisait frémir les
narines des élèves : on pouvait apprendre du niçois au
collège !
Si
ce n’était pas révolutionnaire, ça y ressemblait fort alors.
Si
les cours se sont de plus en plus structurés avec la méthode
du Nissart à l’escola éditée par Lou Sourgentin,
revue mensuelle bilingue à laquelle Raoul a contribué jusqu’à
la veille de sa mort, il faut attendre 1977 pour que
« Lou Rodou Nissart » (traduction du cercle niçois) voie
le jour.
Ce
fut d’abord pour « occuper » ces élèves parfois
agités avec l’idée de leur faire présenter un spectacle de fin
d’année avec chants et textes traditionnels mis en scène. Mais
c’était fait, le ton était donné et la machine en marche. La
première pièce de Raoul Nathiez, car Raoul va écrire pour ses
pièces, s’intitule Ma qu èra Catarina Segurana ?
en mai 1979 et est présentée au théâtre du Vieux-Nice qui
deviendra le théâtre Francis Gag 10 ans plus tard. Quoi de
plus fédérateur que de prendre l’héroïne nissarda et le fameux
siège de Nice en 1543 pour mettre en scène des quantités de
jeunes.
Voici
ce que dit Jean-Jacques Astesano, le plus ancien membre de la
troupe avec Jean-Christophe Grasso sur cette première
pièce :
« À mes yeux, [Catarina Segurana] est une
performance. Outre la valeur intrinsèque de la pièce, je
considère comme un tour de force le montage d’une telle
pièce avec des participants (je n’ose même pas dire acteurs)
aussi nombreux, aussi inexpérimentés et aussi jeunes. Je me
souviens très bien que, pendant les répétitions, notre
préoccupation principale de gamin ressemblait moins à Mais
qui était Catherine Ségurane ? que Mais
comment va-t-on pouvoir jouer au foot pendant que les autres
répètent ? Que de patience
Raoul Nathiez n’aura pas dû avoir. De la patience
mais aussi de la gueule. Son caractère n’était vraiment pas
facile mais il faut bien en convenir, il a été un ingrédient
indispensable au succès. »
Raoul
Nathiez se doutait-il que ce Rodou allait grandir, durer et
devenir une des troupes incontournables du paysage
niçois ? Je n’en ai jamais parlé avec lui, c’est dommage.
Raoul
va enchaîner les pièces. Il devient un auteur indispensable au
théâtre nissart : La guerre dei trèuia si farà pas,
Lu conte de ma tanta Perotta, divers sketches, poèmes
d’Alan Peilhon mis en scènes, contes sont d’autant de textes
qui viennent enrichir la langue niçoise où la gouaille, la
roublardise, la vie implacable, la satire de la société… sont
présentes grâce à l’œil et à la plume de Raoul Nathiez.
Parmi
les pièces les plus célèbres on ne peut oublier Lu dich de
cada jou, Castéu, baloun e limounada, Lou
pichin Tournet, Trenata-nòu quaranta…
Et
des reprises d’autres auteurs tels Lou
presèpi nissart, mis en écriture par Menica
Rondelly, encore
joué sous Lou presèpi aujourd’hui par lou Rodou, Gigi
Pantai de Jean-Luc Sauvaigo, Lou destin subla jamai
doui còu de Stéphane Grasso, Petou lou Rachou de
Jouan Nicola…
Raoul
n’hésite pas non plus à proposer ses compositions pour
d’autres troupes comme « li pichini granouia » pour
L’ae de la fada, nous sommes en 1989.
Douze
ans déjà que lou Rodou existe. Sa structure est bien lancée,
sa troupe rodée. Il étonne et ravit le public par ses décors,
sa maîtrise des éclairages : un quasi pro, Jean-Louis
Decoster, a rejoint l’équipe technique déjà extraordinaire. Il
est encore en place aujourd’hui et assure même des mises en
scènes.
Raoul
pense aussi aux mambres se la troupe qui absents pour des
obligations civiques se retrouvent bien loin du Comté de Nice.
Jean-Jacques Astesano témoigne :
« Après
Catarina, mon chemin s’est écarté. Je suis parti naviguer
"bessai de l’autre caire dau mounde". C’est mot pour mot la
dédicace qui figurait sur l’exemplaire des Contes de Tanta
Perotta qu’un collègue, marin comme moi, m’avait descendu à
la salle des machines où j’étais de quart à bord de mon tout
premier bateau. Il venait d’arriver par courrier. Nous
étions à Djibouti. Et dans le vacarme et la chaleur des
Diesels, ces contes-là m’ont apporté
une bouffée d’aria fresca dau pais que seuls ceux qui se
sont déjà un jour expatriés peuvent imaginer. Raoul Nathiez
ne m’avait pas oublié. »
En
1998, fin janvier, lou Rodou présente la dernière pièce de
Raoul Nathiez : L’enfant dau betun ou le signal des six
vents. Même si cette année est prolifique en
représentations diverses elle annonce tout de même la fin
d’une époque : un an plus tard, Raoul Nathiez tire le
rideau du théâtre et laisse les rênes au plus ancien de la
troupe Jean-Christophe Grasso. Il va désormais réserver ses
écrits pour Lou
Sourgentin jusqu’à l’été 2013 pendant lequel Raoul tire
définitivement sa révérence laissant derrière lui une œuvre
bien réelle comme bel héritage.
Cependant
Lou Rodou Nissart continue sa route. Entre 2000 et 2003 Steve
Betti assure la présidence et apporte un élan différent à la
troupe avec trois créations importantes dans le théâtre
niçois : La Rosa, La Sabatièra et Recordansa.
Si
la première demeure une comédie mesurée, La
Sabatièra (adaptée de Lorca) est une vraie satire ;
quant à Recordansa
(adaptée du 7° sceau de Bergman), elle
propose au public, habitué à venir au théâtre en nissart pour
rire, une tragédie difficile et surprenante dans une langue
exemplaire. La Sabatièra
et Recordansa ont toujours été jouées l’une après
l’autre, car leur durée le permet et pour adoucir le caractère
dur de Recordansa dans laquelle je débute dans le
monde du théâtre.
Après
ce passage tonitruant, Steve Betti part et la troupe me
sollicite pour reprendre la présidence du Rodou ce que je fis
et fais encore.
Depuis
nous avons repris régulièrement Lou presèpi, mais
aussi mis en scène des pièces de Reinat Toscano comme Revira
Mainage ou Misteri au coumissariat que va être
créé le mois prochain.
D’autres
sujets sont en préparation de la part de membres du Rodou,
mais je ne peux vous en dire davantage il s’agit de surprises
auxquelles nous vous invitons très volontiers.
Pour
terminer, je signalerai pour illustrer ce qui vient d’être
énoncé, que si Lou Rodou Nissart joue encore beaucoup à Nice,
dans le comté, en Provence… c’est aussi parce qu’une grande
complicité s’est développée dans cette troupe ou le plaisir de
se retrouver et de jouer ensemble est quasiment devenu
proverbial et les agapes autour d’une bonne table scellent
souvent cette entente peu ordinaire.
À
chaque nouveau spectacle, tout en conservant l’encadrement des
anciens membres et en développant les rôles, des comédiens
nouveaux apparaissent. Ce sont souvent des jeunes recrutés
grâce au Niçois enseigné dans les établissements scolaires
notamment ce qui boucle presque la boucle : c’est par le
scolaire que lou Rodou est naît, c’est par le scolaire qu’il
perdure : la roda vira, lou Rodou vira encara e
toujou !
Mercì
Raoul !