Johannes Aavik et la rénovation de
la langue estonienne
ADÉFO / L'Harmattan, 2010, 334 p., 29,50 euros.
L’Estonie des premières décennies du XXe
siècle fut le théâtre d’une entreprise singulière
d’aménagement linguistique. Lancé en 1912 par le linguiste et
traducteur Johannes Aavik (1880-1973), le mouvement de «
rénovation de la langue » (keeleuuendus)
s’était fixé pour objectif l’embellissement et
l’enrichissement de l’estonien, notamment en vue de son usage
littéraire. Au nom de considérations principalement
esthétiques et souvent très subjectives, Aavik proposa et
propagea, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses
innovations radicales concernant la graphie, la phonétique, la
morphologie et la syntaxe de l’estonien, ainsi que plusieurs
milliers de mots nouveaux obtenus par les méthodes les plus
diverses, depuis la dérivation et l’emprunt jusqu’à la
combinaison arbitraire de phonèmes. Ce mouvement, qui a
profondément marqué la vie culturelle estonienne de
l’entre-deux-guerres, a connu un succès important auprès des
usagers et a modifié sensiblement la physionomie de l’estonien
écrit. Cette réussite apparaît d’autant plus étonnante que la
keeleuuendus n’a
bénéficié d’aucun soutien officiel et s’est même constituée
contre les instances de standardisation linguistique.
L’ouvrage d’Antoine Chalvin, première synthèse approfondie et
méthodique sur ce sujet, dresse un tableau d’ensemble de
l’histoire et du programme de ce mouvement original, et
s’attache, à travers l’étude du processus de diffusion des
innovations, à expliquer le succès paradoxal de l’entreprise.
Antoine Chalvin, né en
1966, ancien élève de l’École normale supérieure, est maître
de conférences en langues et littératures estoniennes et
finnoises à l’INALCO. Il a traduit en français de nombreux
ouvrages estoniens et finnois, parmi lesquels l’épopée
nationale estonienne Kalevipoeg (Gallimard, 2004).